Une immense colonie de poissons découverte au fond de l'océan Austral

Une immense colonie de poissons découverte au fond de l'océan AustralPhoto : AWI OFOBS

En campagne pour étudier les baleines d‘Antarctique, une équipe de chercheurs est tombée sur une vaste colonie de poissons étalée sur le fond marin. Une découverte inédite à la fois par sa nature et par son ampleur.

Février 2021, Mer de Weddell, côte est de la péninsule Antarctique. Le Dr Autun Purser est occupé à étudier des baleines sur le pont du brise-glace allemand RV Polarstern, lorsqu'il se fait soudainement interpeller par Lilian Böhringer, une étudiante en biologie marine qu'il encadre. Elle est chargée de surveiller les images filmées par l'énorme caméra d'une tonne que remorque le bateau et vient de voir une chose insolite : des nids de poisson commencent à apparaître sur son écran et bien que la caméra continue d'avancer, tirée par le brise-glace, il n'arrête pas d'en apparaître de nouveaux !

Les nids étaient de modestes creux aménagés dans la boue océanique, à presque 600 mètres de profondeur. Chacun faisait environ 50 centimètres de diamètre et en son centre, telle une sentinelle fantomatique, flottait un Neopagetopsis ionah, un poisson des glaces. Ce poisson a été décrit pour la première fois en 1947 et ce n'est franchement pas une surprise d'en croiser dans la mer de Weddell. Plus connu des biologistes marins sous le nom de Jonah's icefish, il aime les grands fonds et est connu pour hanter le cercle antarctique. Ce qui est du jamais vu par contre, c'est d'en rencontrer autant sur une si large zone. En menant une étude approfondie en effet, les chercheurs ont dénombré 60 millions de nids, soit au moins autant de poissons adultes, le tout étalé sur une superficie de 240 km². C'est une fois et demie la superficie de l'île de Pâques !

Selon les chercheurs, chaque individu de cette gigantesque nurserie aurait à sa charge quelque 1 700 œufs. Une fois éclos, les juvéniles remonteraient dans la colonne d'eau, riche en phytoplancton, avant de redescendre une fois adultes pour se reproduire et garder à leur tour la prochaine génération d'œufs.

Pressés par le temps, le Dr Purser et son équipe n'ont pas pu étudier comme ils le souhaitaient cette immense colonie peut-être unique au monde. Qu'à cela ne tienne, le biologiste marin a pris soin de larguer deux appareils pour prendre plusieurs photos par jour de ce rare écosystème en attendant qu'il revienne.

Par Andriatiana Rakotomanga