Oceanix City, la ville flottante à vocation écologique

Le réchauffement climatique va demander à l'humanité une modification de son mode de vie dans les décennies à venir. ONU-Habitat, compétente pour ces sujets, étudie la possibilité de réaliser des villes flottantes. Un projet dont le prototype est d'ores et déjà à l'étude devrait bientôt voir le jour : Oceanix.
Oceanix City, la ville flottante à vocation écologique

Le changement climatique commence à faire son œuvre. Parmi ses multiples manifestations, une montée du niveau des océans. À l'horizon 2100, suivant les estimations du GIEC faites en 2013, le niveau de la mer pourrait s'élever de 26 à 82 cm selon les scénarios et les endroits. Au niveau mondial, 40 % de la population vit en zone littorale, et environ 10 % vivrait même à moins de 10 mètres au-dessus de l'eau. De nombreuses villes seront concernées et certains pays, comme les Maldives, disparaîtront même totalement. Plusieurs des plus grandes villes mondiales sont menacées (Tokyo, New York, Bombay, Sao Paulo).

Tenter de limiter le réchauffement n'est plus suffisant, il faut également trouver une solution pour les millions de réfugiés climatiques. Parmi ces solutions, les villes flottantes.

ONU-Habitat et le réchauffement climatique

Trouver des solutions aux problèmes urbains du futur, c'est une des missions d'ONU-Habitat, une agence de l'ONU spécialisée dans les questions de logement. Ses préoccupations portent principalement sur des villes dont la croissance exponentielle génère souvent des problèmes de sécurité, de santé et de salubrité, notamment en Afrique et en Amérique Latine. Mais la vision d'ONU-Habitat est plus large que les aspects purement techniques et inclut aussi, et surtout, des visions urbanistiques, sociales et environnementales du développement des villes et de l'habitat. Les questions d'adaptation des villes à la montée des eaux sont donc exactement dans son domaine de compétence.

L'une des voies étudiées pour résoudre la question des réfugiés climatiques est la construction de villes flottantes. Il existe déjà plusieurs projets indépendants, comme celui du Seasteading Institute, ou encore le MARIN. Désormais, c'est ONU-Habitat qui noue un partenariat pour s'engager dans cette voie avec un projet dénommé Oceanix, porté par le MIT et un cabinet d'architecture danois, Bjarke Ingels Group, qui a déjà de nombreuses réalisations en cours ou achevées à son actif à travers le monde.

Un concept de ville modulaire

Oceanix est un concept de ville flottante modulaire, dont l'élément de base est un hexagone d'un hectare et demi. Chaque hexagone est prévu pour accueillir 300 habitants logés dans de petits immeubles de 4 à 7 étages répartis sur l'ensemble de l'hexagone, de façon à conserver un équilibre de flottaison. Car Oceanix est prévue pour résister aux tempêtes et peut même être remorquée vers un autre emplacement si nécessaire. L'assemblage de six plateformes constitue un village d'environ 1 800 habitants.

Oceanix

Le regroupement de six villages constitue ainsi une ville de 10 000 habitants avec ses quartiers spécialisés (culture, sport, enseignement…). Des plateformes isolées placées à proximité de la ville peuvent fournir divers services, comme la culture du bambou (principale matière première d'Oceanix), des fermes éoliennes, des cultures d'algues…

Le projet, qui a pour ambition l'autosuffisance des villes marines, privilégie les matériaux pouvant être fabriqués localement. Les plateformes sont construites en Biorock, un matériau obtenu par accrétion minérale électrolytique. En faisant circuler un faible courant électrique dans l'eau de mer, ce matériau s'agrège sous la plateforme. Ce faisant, elle se renforce au cours du temps.

Chaque module est revêtu d'une collerette flottante lui donnant une forme triangulaire. Avec une superficie ainsi accrue, il est possible d'y placer diverses installations de production d'énergie, de recyclage d'eau et de déchets, d'agriculture... Le tout est prévu pour être remorqué vers un nouvel emplacement si nécessaire. Les modes de déplacement au sein d'une ville Oceanix sont la marche, le vélo et les modes de locomotion nautiques électriques, à voile ou à propulsion musculaire. Ainsi que le drone pour les petits objets.

Selon le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz, le plus important dans ces projets de villes flottantes ne sont pas les villes flottantes elles-mêmes, mais les solutions trouvées en matière d'économies de ressources et de recyclage d'eau et de déchets. De fait, le projet Oceanix veut tout penser, y compris en termes d'énergie, de biodiversité et même du point de vue de l'organisation sociale.

Oceanix

Un prototype à l'horizon

Une expérimentation sera mise en place en Corée du Sud, à Pusan, la deuxième ville du pays. Cette ville côtière est considérée comme particulièrement exposée à la montée des eaux et est déjà régulièrement frappée d'inondations. Sa plage de Haeundae ainsi que l'aéroport de Séoul pourraient être submergés occasionnellement par le passage d'un typhon dès 2030, et définitivement dès 2050 au vu des conséquences prévues du changement climatique.

Après un partenariat signé entre la ville et Oceanix le 18 novembre 2021, une deuxième réunion d'ONU-Habitat aura lieu en avril 2022. Elle devrait entériner la réalisation de ce projet. Son coût est estimé à 320 millions de dollars, soit 280 millions d'euros, et pourrait être achevé dès 2025. La candidature de Pusan à l'exposition universelle de 2030 n'est certainement pas étrangère à ce partenariat. La mise en place d'un démonstrateur d'Oceanix pourrait jouer en faveur de sa sélection.

Par Charles LorrainPublié le 07/02/2022