Doit-on vraiment nettoyer l'océan du plastique ? Des scientifiques en doutent.

Supprimer tout plastique qui flotte à la surface de l'eau semble être un réflexe écologique évident. Pourtant, certains chercheurs commencent à douter de l'utilité d'un tel nettoyage, en raison de la présence de nombreux organismes dans cet environnement particulier.
Doit-on vraiment nettoyer l'océan du plastique ? Des scientifiques en doutent.

La pollution plastique des océans est un fléau de mieux en mieux documenté et face à des chiffres affolants comme les 12 millions de tonnes de plastique qui finissent dans les océans tous les ans (2020, Programme des Nations unies pour l'environnement), le premier réflexe est bien sûr de vouloir retirer le plastique du milieu marin. Cela a donné naissance à des initiatives ambitieuses, comme le projet The Ocean Cleanup, visant à éliminer les déchets plastiques flottants. Toutefois, quelques chercheurs soulèvent une question déroutante : et si nettoyer l'océan du plastique n'était pas la solution idéale ?

Des organismes qui s'adaptent à l'environnement

Pour comprendre ce point de vue qui va à rebours des courants de pensée écologiques de ces 20 dernières années, il convient d'appréhender ce qu'est le neuston. Ce terme désigne l'ensemble des organismes vivant à la surface de l'eau, à cette frontière ténue où l'eau rencontre l'atmosphère. Le neuston se compose tout autant d'algues, de mollusques et de cnidaires, que d'organismes microscopiques. Toutes ces créatures jouent un rôle crucial dans la chaîne alimentaire marine et la régulation des cycles biogéochimiques. Or, certaines études suggèrent que ces organismes se sont adaptés à la présence de plastique dans leur environnement et, mieux, s'épanouissent même en sa présence.

Concentration de neuston sur le 7e continent

Dans une gyre océanique du Pacifique Nord, par exemple, là où l'agglutination d'ordures plastiques a fini par créer un 7e continent, les scientifiques ont remarqué une concentration inédite de neuston. Par ailleurs, plus ils se dirigeaient vers le centre de ce continent, plus cette concentration augmentait. Le Glaucus atlanticus y prospère, car ses proies favorites, à savoir la porpite et la physalie, deux cnidaires comme la méduse, ont réussi à s'adapter aux bouteilles, bidons et autres déchets plastiques flottants sur l'eau.

Le constat est d'ailleurs étonnant, car si, en regardant depuis la surface, un plastique flottant semble stérile et tanné par le soleil, il suffit de le retourner pour se rendre compte qu'il grouille en fait de vie, presque comme un récif de corail.

Un nettoyage qui ne serait pas sans conséquence

Un dilemme cornélien se pose alors : d'un côté, la pollution plastique nuit à de nombreuses espèces marines et son élimination semble bénéfique. De l'autre, il est évident que plusieurs organismes ont développé des stratégies de survie et se sont adaptés à sa présence. Éliminer le plastique marin sans distinction pourrait ainsi détruire définitivement tout un écosystème et priver le monde de précieuses connaissances dans la foulée.

La situation est clairement délicate et bouleverse ce que l'on croyait savoir sur la pollution plastique. Plus que jamais, il apparaît essentiel d'être prudent, car intervenir sans une meilleure compréhension des enjeux pourrait bien entraîner des conséquences écologiques imprévues.

Par Andriatiana RakotomangaPublié le 07/01/2025