Poissons en danger : menaçants ou menacés ?

On parle souvent du panda et du tigre comme étant menacés d'extinction mais certains poissons font partie du triste lot des animaux en voie de disparition. Le point avec Fishbio, une société dédiée à la recherche et à la protection des poissons.
Poissons en danger : menaçants ou menacés ?Photo : Ed Schipul

Quand les gens pensent aux requins et à leurs cousins, la menace d'une attaque de grand blanc est la première chose qui vient à l'esprit. Pourtant, il s'avère que les actions de l'homme constituent une menace bien plus importante pour ce groupe de poissons que celle que le requin fait planer sur nous.

Toute une famille pourrait disparaître

Un récent article, publié dans la revue scientifique Elife, explique qu'une espèce sur quatre de poissons dits "chondrichtyens" (c'est à dire les requins, raies et chimères) est menacée d'extinction en raison de la surpêche - un risque beaucoup plus élevé que pour la plupart des autres vertébrés. Les requins et autres animaux de la même famille ont tendance à être plus sensibles à la surpêche que les autres poissons en raison de leur croissance plus lente, d'une reproduction longue et d'une maturité tardive.

Cette étude représente la première analyse systématique de menaces aux chondrichtyens, et il est tiré de travaux d'évaluation menés durant deux décennies par plus de 300 personnes sur 1 041 espèces d'animaux. Basée sur la Liste rouge de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), l'étude a également constaté que plus d'un tiers des 90 organismes euryhalins (capable de supporter de grands écarts de salinité) et beaucoup de chondrichtyens d'eau douce sont menacés en raison des effets combinés de la surexploitation et de la dégradation de leur habitat.

Les poissons les plus en danger

Deux espèces du Mékong sont inclus dans le top 10 des animaux les plus menacées parmi les chondrichtyens : le poisson-scie et la raie d'eau douce. Le poisson-scie à grandes dents est répertorié comme étant en danger critique d'extinction. Historiquement localisé dans le Mékong en aval des chutes de Khone, il est devenu extrêmement rare, et même a localement disparu. Ce poisson-scie peut atteindre jusqu'à 6,50 mètres de longueur. Sa grande taille, son museau cranté et son habitat peu profond le rendent très sensible à la capture accidentelle ou intentionnelle dans les filets de pêche.

La seconde espèce, la raie d'eau douce du Mékong, est considérée en voie de disparition et vit encore au Laos, en Thaïlande et au Cambodge. Bien que ce poisson ne soit pas une cible de la pêche commerciale ou de subsistance, il reste vendu ou consommé quand il est pris dans les filets. L'UICN indique que sa population a diminué d'au moins 50% au cours des 20 dernières années. Et cette raréfaction devrait se poursuivre.

Des mesures face à l'urgence

Le gouvernement laotien a classé cette espèce de raie dans la catégorie des poissons protégés, ce qui signifie que sa pêche est désormais interdite. Les auteurs de l'enquête, qui relèvent que de nombreuses espèces d'eau douce souffrent de multiples menaces, ont classé cette raie parmi les 8 chondrichtyens d'eau douce menacés par le contrôle de l'eau et le développement de la rivière. Il est intéressant de constater que les raies sont plus fortement menacées que les requins, qui bénéficient d'efforts croissants pour leur conservation. A cause de cette protection tardive des raies, des mesures urgentes de gestion sont nécessaires pour empêcher de nouvelles baisses de la population.

Fishbio travaille actuellement dans le bassin du Mékong pour recueillir des données sur la conservation des poissons rares et menacés, y compris les raies d'eau douce. L'organisme mobilise pour cela les populations locales, afin de les inclure dans les recherches de protection et la gestion durable.

Traduction de l'article en anglais "Threatening or threatened? Many sharks and rays risk extinction".

Par Guillaume DaveluyPublié le 06/07/2014