Ces engins nucléaires qui végètent en mer

Bouteilles, filets, plastique, pétrole, l'océan en voit des vertes et des pas mûres tous les jours. Ce sont là bien sûr des déchets dangereux, mais pas plus que ce que la folie de grandeur des hommes a fait s'échouer sur ses fonds : des engins nucléaires.

La période entre 1947 et 1991 a marqué le monde par la Guerre Froide, un âge de tension permanente entre l'ex-URSS et les États-Unis, conduisant à une course à l'armement nucléaire. Sous-marins, bombardiers, missiles intercontinentaux, ogives stratégiques et tactiques, le nucléaire était partout et aujourd'hui, il est dans nos océans.

Les sous-marins nucléaires

L'énergie nucléaire a propulsé les sous-marins dès 1955. C'est là que les choses ont réellement commencé à déraper.

En avril 1963, l'USS Tresher sombre à 400 kilomètres des côtes de Boston. Aucun survivant sur la centaine de membres d'équipage et son réacteur nucléaire se retrouve maintenant à 2 560 mètres de fond. L'USS Scorpion, lui, a fait naufrage dans l'Atlantique en mai 1968. En plus de son réacteur, il embarquait des torpilles nucléaires et gît maintenant par 3 300 m de fond, à 740 km des Açores. Durant la même année, les Soviétiques ont perdu le K-129 armé de torpilles et de missiles nucléaires dans le Pacifique. Le sous-marin est à présent couché par 4 600 m près des côtes du petit atoll de Midway.

Le K-8, un autre sous-marin nucléaire lanceur d'engins, a sombré entre la Bretagne et la côte Cantabrique (nord de l'Espagne) en avril 1970. Il y gît encore par 4 700 m de profondeur.

Des accidents d'avion

Durant la Guerre Froide, les gros avions, notamment les bombardiers, sont utilisés pour transporter des bombes nucléaires. Il arrive cependant qu'ils subissent des avaries ou tout simplement s'abîment en mer après un accident, ce qui fait des mers et océans la dernière résidence de leur cargaison.

Un bombardier B-47 a ainsi disparu sans laisser de trace en mars 1956, en survolant la Méditerranée. A son bord, deux bombes nucléaires qui sont donc, comme l'avion, "perdues en mer près du littoral algérien" selon le communiqué officiel. Un autre B-47, percuté par un chasseur ami, a du larguer une bombe atomique MK 15 quelque part dans l'Atlantique pour continuer à voler. Cette bombe, 110 fois plus puissante que celle d'Hiroshima, rouille donc au fond de l'océan depuis 1958.

Il est même arrivé qu'un porte-avions, l'USS Ticonderoga, perde un chasseur équipé d'une bombe atomique par-dessus bord au court d'une tempête, et ce à une centaine de kilomètres seulement d'Okinawa.

Une bombe à retardement

Rien que les États-Unis ont reconnu 92 cas de bombes nucléaires perdues en mer, un chiffre gardé secret par la Russie. Toujours est-il que, qu'il s'agisse de torpilles, d'ogives ou encore de réacteurs, peu de ces engins nucléaires ont été repêchés, si tout du moins ils le peuvent. L'opération est d'ailleurs très coûteuse (le renflouage du sous-marin russe Koursk en 2001 a coûté près de 73 millions d'euros) et n'est généralement justifiée que par le secret d'État.

Les contenants, corrodés par l'eau de mer, finiront pourtant tôt ou tard par céder à la rouille. S'ensuivra la contamination de toute la chaîne alimentaire, du plancton aux poissons jusqu'à notre assiette, la radioactivité pouvant même se concentrer en bout de chaîne (phénomène de biomagnification). Une chose d'autant plus probable que plusieurs de ces engins se trouvent non loin des côtes de grandes agglomérations.

Heureusement pour nous, les océans sont vastes et même une catastrophe de l'envergure de Fukushima n'a pas eu un impact majeur mondial. La question est donc de savoir combien de temps l'océan supportera encore d'être traité comme une poubelle.

Par Andriatiana RakotomangaPublié le 08/06/2017