Les îles Chausey, un archipel de granit

Avec ses centaines d'îlots, Chausey est un archipel granitique situé face à Granville et au Mont Saint-Michel. Autrefois rythmé par l'activité des carriers, admiré des artistes, prisé des touristes et des navigateurs amateurs, l'archipel ne serait probablement pas ce qu'il est sans le plus illustre de ses habitants, Louis Renault.
Les îles Chausey, un archipel de granitPhoto : jackmac34

Les îles Chausey forment un archipel granitique, situé à environ 16 kilomètres de Granville, dans le département de la Manche, face à la baie du Mont Saint-Michel auquel elles sont liées par l'histoire. Contrairement aux îles anglo-normandes situées à proximité, les îles Chausey ont toujours été françaises. Cet archipel envoûtant, décrit par l'écrivain Jean-François Deniau comme le plus beau mouillage au monde après Bora-Bora, a séduit de nombreuses personnalités.

Ces îles – dont la population est assez réduite – ont longtemps eu une grande importance économique avec l'exploitation du granit. Et aussi leur lot de personnalités tombées amoureuses de l'archipel, surtout des peintres, mais aussi la plus célèbre d'entre elles, l'industriel Louis Renault. De nos jours, l'archipel vit du tourisme avec ses restaurants, ses gîtes et son unique hôtel qui accueillent les visiteurs en provenance de Granville ou de Saint-Malo.

De petites îles parfois immergées

L'archipel occupe une superficie importante de près de 80 km². Les îles Chausey sont avant tout un affleurement granitique à la surface des eaux. Mais nous sommes ici à un endroit où les marées sont notoirement très importantes, les plus grandes d'Europe dit-on, puisqu'il y a un marnage de 14 mètres. Sur les 365 îlots, seuls 52 sont émergés en permanence, pour une surface totale de moins d'1 km².

C'est cette exiguïté qui explique le peu de constructions présentes sur l'archipel, toutes concentrées sur la Grande Île, longue d'environ 2 km pour 700 mètres de large au maximum. La population permanente s'élève à seulement une dizaine de personnes.

Le fort
Il a été construit par Napoléon III en 1866 avec du granit extrait sur place. Déclassé dès 1906, car totalement dépassé par l'accélération de l'évolution des armements à cette période, sa carrière militaire s'est limitée à quelques prisonniers durant la 1ère guerre mondiale et une petite garnison allemande durant la seconde.

La ferme
Sa présence est attestée depuis 1736. Le troupeau errait traditionnellement en liberté sur les quelques hectares émergés. Elle a arrêté son activité agricole en 1990 pour se reconvertir dans le tourisme.

Le phare
Il a été construit en 1847 à la place d'une tour de guet et sa lueur guide les bateaux à 52 mètres au-dessus de la mer dans ce secteur particulièrement dangereux pour la navigation. Il a été endommagé le 9 mars 1945 par les tirs d'un navire allemand qui retournait à Jersey après avoir lancé un raid sur Granville. Le dernier gardien du phare a quitté les lieux en 2012 pour être remplacé par un système automatique.

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Les tours Baudry et Lambert
Ces deux tours ont été construites au milieu du 19e siècle pour mettre fin à "la guerre", un conflit qui opposait les pêcheurs de Granville à ceux de Cancale au sujet de leurs zones de pêche respectives dans la baie du Mont Saint-Michel. Gare à qui allait pêcher hors de sa zone !

Les carrières de granit
L'archipel est entièrement constitué de granit cadomien qui s'est formé il y a 550 millions d'années. Cette roche a servi de matériau pour toutes les constructions de l'île et notamment du fort de Chausey qui est construit sur sa propre carrière. L'avantage d'une île est qu'elle est facilement accessible en bateau et donc propice à l'exportation de ses ressources. Ainsi, le granit de Chausey a été utilisé pour la construction du Mont Saint-Michel, mais aussi pour les trottoirs de Paris, les quais de Londres ou les murailles de Saint-Malo. Il existe de nombreux fronts de taille tout autour de l'île.

Trois plages principales

Il existe plusieurs plages, mais seules les trois plus grandes attirent l'attention des personnes de passage. La plus grande d'entre elles est la Grande Grève, tout au nord de la grande île. Une autre plage au sud, plus petite mais située à proximité immédiate de l'embarcadère, du village, du poste de secours et des commodités de l'île, est Port-Marie. Et, surtout, cette plage est la seule qui soit surveillée durant l'été. Enfin, juste à côté du château de Louis Renault, s'étale la plage de Port-Homard.

Il existe d'autres plages de plus petites dimensions où se réfugient avant tout les Chausiais et autres habitués des lieux.

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Louis Renault et Chausey

Si l'île a, sans surprise, séduit de nombreux peintres, à commencer par Marin-Marie, c'est certainement l'industriel Louis Renault qui a le plus marqué l'archipel de son passage. Personnage controversé et lourdement suspecté de collaboration durant la guerre, le constructeur automobile n'en reste pas moins un bienfaiteur pour Chausey et ses habitants. Tombé amoureux de l'archipel au début des années 1920, il avait initialement envisagé de s'y faire construire un manoir, ce qui n'était pas du tout du goût des autochtones. Il s'est rabattu sur le château du 16e siècle, détruit et reconstruit à plusieurs reprises, mais complètement en ruine à cette époque.

Louis Renault ne s'est pas contenté de sa propre résidence de vacances. Il a fait profiter l'ensemble de l'île de sa fortune. A son actif, plusieurs maisons, les granges de la ferme et beaucoup de générosité envers les pêcheurs et leurs bateaux dont il a modernisé l'équipement.

D'un tempérament timide et plutôt solitaire, Louis Renault appréciait l'archipel notamment pour son caractère intime qui lui permettait de fuir les foules et les dîners mondains. Il s'y réfugiait donc aussi souvent que possible. L'ironie du sort est parfois terrible : Chausey a pour bienfaiteur un constructeur d'automobiles, alors même que les véhicules motorisés ayant foulé son sol se comptent sur les doigts d'une main.
Photos : Jérôme S.

Par Charles LorrainPublié le 12/11/2019