Nicaragua : un canal pour concurrencer celui de Panama

Le canal de Panama est un carrefour du commerce mondial et l'épine dorsale des échanges entre l'Asie, l'Europe et le continent américain. Une réalisation unique qui n'est pourtant la première idée pour révolutionner la navigation maritime : au Nicaragua, on rêve d'un tel canal depuis fort longtemps.

Devant traverser le Nicaragua d'est en ouest, le canal du Nicaragua est une arlésienne dont on entend parler depuis plus longtemps qu'il n'y paraît. En effet, bien avant que le canal de Panama ne soit terminé ou même envisagé, un canal traversant le Nicaragua, allant d'un océan à un autre, était déjà en discussion.

Une histoire qui remonte loin

La première mention à un canal traversant l'Amérique centrale a été faite durant la période coloniale espagnole vers le 17ème siècle. Au 19ème, le gouvernement de l'époque relance l'idée et se rapproche des États-Unis pour trouver financement et ressources technologiques pour la réaliser. A l'époque, ces derniers cherchent également à relier les océans Atlantique et Pacifique. Cependant, les Américains préfèrent se tourner vers le futur canal de Panama et refusent l'alliance.

A de nombreuses reprises encore au cours du même siècle, le sujet fut évoqué et même prêt à débuter. A chaque fois, malgré des traités signés, rien n'aboutit à cause d'invasion, de guerre civile ou encore de risques volcaniques et sismiques. Le projet a ainsi été abordé 72 fois, toujours auprès d'une puissance étrangère (dont la France en 1885), jamais il ne se fit.

En 2004, le gouvernement d'Enrique Bolanos relança la vieille chimère qui, contre toute attente, trouva preneur auprès d'une holding chinoise nommée pour l'occasion Hongkong Nicaragua Canal Development (HKND). L'histoire dira, hélas, que ce ne sera pas aussi facile.

Un chantier encore en suspens

Voté en 2013 par le Parlement, le projet de canal du Nicaragua semble être sur la bonne voie. D'autant plus que le coup d'envoi des travaux a été donné le 22 décembre 2014 pour une fin prévue en 2019. En tout, il a été prévu d'investir 44,4 milliards d'euros dans un canal de 278 km (3,6 fois plus long que le celui de Panama), la création d'un lac artificiel en pleine jungle, la traversée du lac Nicaragua et l'emploi de 20 000 ouvriers. Une fois fini, le canal du Nicaragua devrait également pouvoir accueillir des tankers et super tankers pouvant transporter jusqu'à 25 000 conteneurs, une capacité trop grosse pour son concurrent panaméen.

Dans les faits pourtant, les travaux n'ont toujours pas débuté. Certes, quelques ouvriers sont bien venus creuser des trous et prendre des mesures aériennes au début, mais depuis plus rien. Les trous scellés sont envahis par la végétation et la forêt est en train de reprendre ses droits. Certains mots lourds de sens comme "arnaque" ou "illusion" commencent à être lancés. Ailleurs, il se murmure que HKND n'a plus les moyens de financer le projet titanesque après le krach boursier chinois de 2015.

Quels enjeux pour le canal du Nicaragua ?

Le Nicaragua est le deuxième pays le plus pauvre de la région d'Amérique Latine-Caraïbes avec 42% de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté. Rien que le projet du canal de Nicaragua représente un peu moins de 4 fois le PIB du pays.

Les enjeux du canal sont donc avant tout économiques avec comme ambition d'au moins doubler ce PIB en s'appropriant une partie du trafic du canal de Panama. Il faut dire qu'entre sécheresse, chute des exportations agricoles et dettes, le pays a du mal à trouver un équilibre malgré un PIB en hausse continuelle depuis 2010.

Le canal a également été sur toutes les lèvres depuis si longtemps qu'il en a imprégné la conscience populaire. Il est devenu une fierté nationale, synonyme d'indépendance pour un pays toujours en quête de renouveau. Tout reste néanmoins à faire et rien ne dit que le canal de Nicaragua verra bel et bien le jour cette fois-ci encore.

Par Andriatiana RakotomangaPublié le 29/05/2017