Maroc : on dessale l'eau de mer pour épancher la soif d'Agadir
Le stress hydrique au Maroc est un sujet brûlant. Les barrages ne suffisent plus à combler les besoins en eau potable. Agadir a soif et la célèbre région agricole du Souss peine à assurer l'irrigation de ses cultures. Les nappes phréatiques s'épuisent. Fin 2020, les habitants de la ville d'Agadir et sa périphérie ont même vu leur consommation d'eau limitée, sa distribution étant suspendue la nuit ! Trouver une solution était urgent. Et le projet qui est né est gigantesque : il s'agit de la construction d'une usine de dessalement d'eau de mer. Les travaux ont commencé en 2018 au sud d'Agadir et la station a traité ses premiers milliers de mètres cube d'eau en juillet 2021.
L'usine de dessalement de Douira, un projet d'envergure
La station de dessalement d'eau de mer, située dans la province de Chtouka-Aït-Baha, à 25 km au sud d'Agadir, est la première usine de dessalement du Maroc et figure parmi les plus importantes du monde. Elle est considérée comme l'alternative durable et salutaire au manque d'eau douce criant que subit la région Souss Massa. À terme, elle sera en mesure d'alimenter en eau potable les habitants de la ville d'Agadir, ainsi que répondre aux besoins agricoles de la région. Ce qui permettra de réduire la forte pression exercée par les nombreuses exploitations maraîchères sur les nappes phréatiques.
Des dizaines de kilomètres de réseaux de distribution
En préalable à la mise en service de la station, il a été nécessaire d'installer un réseau de distribution de l'eau potable. Ainsi, ce sont 479 kilomètres de conduits enterrés qui ont été posés dans la province de Chtouka-Aït-Baha d'une part, et en direction de celle d'Agadir d'autre part. Ce qui représente des mois de travaux le long des axes routiers principaux et secondaires. Ces réseaux desserviront environ 1.270 bornes d'irrigation. Ce qui nécessite 5 stations de pompage, disposées le long du réseau, permettant de maintenir une pression suffisante sur l'ensemble de celui-ci.
Principe du dessalement de l'eau de mer
Il existe deux techniques pour dessaler l'eau de mer. La première, thermique, consiste à élever la température dans le but d'extraire l'eau douce et la séparer du sel et des résidus. Ceux-ci resteront à l'état solide. La vapeur obtenue sera quant à elle collectée dans des tubes et refroidie à l'eau de mer.
La seconde technique est l'osmose inversée, c'est celle utilisée ici. L'eau de mer est filtrée à l'aide de pompes à haute-pression très puissantes. Seules les molécules d'eau passent, pour donner une eau douce et pure.
Une mise en service partielle en juillet 2021
Le cahier des charges a été tenu. La mise en service partielle de l'usine prévue en juillet 2021 a bien eu lieu le lundi 14. Ce sont ainsi 150.000 m³/jour qui sont déjà produits, destinés pour l'instant au milieu rural, plus précisément aux productions de primeurs. En octobre 2021, la station de dessalement devrait être pleinement opérationnelle, permettant à terme une production totale de 275.000 m³ d'eau potable. Cela alimentera 15.000 hectares de terres maraîchères soit environ 1.300 exploitations de la plaine de Chtouka, ainsi que le réseau d'eau potable du Grand Agadir.
L'eau souterraine préservée et l'irrigation sécurisée
L'usine de dessalement possède une capacité d'extension pouvant aller jusqu'à 450.000 m³. Cela devrait permettre, à l'horizon 2030, l'alimentation d'une population de 2,3 millions d'habitants, dont 20 % en milieu rural, et l'irrigation de 13.600 hectares de terres agricoles. Ce qui réduira d'autant la pression exercée sur les barrages alentour, principaux fournisseurs d'eau potable pour les habitants, d'une part. Et d'autre part, les nappes souterraines dans lesquelles puisaient les agriculteurs jusqu'à présent et qui s'épuisent dangereusement.
Une expérience d'ores et déjà réussie, qui en appelle d'autres
Utiliser l'eau de mer en la séparant de son sel semble une solution d'avenir. Le Maroc n'attend même pas la mise en service totale de sa station de dessalement de Douira pour initier de nouveaux projets d'envergure. Ainsi, il est déjà prévu une autre usine encore plus grande à Casablanca-Settat, qui sera opérationnelle à l'horizon 2050. Elle devrait permettre l'irrigation de milliers d'hectares. L'usine de dessalement d'eau de mer du secteur de Dakhla, à l'extrême sud du pays dans le Sahara occidental, est d'ores et déjà en chantier. Ce sont ainsi 5.000 hectares de cultures qui pourront être irrigués, avec une capacité de production comprise entre 90.000 et 100.000 m³ par jour.