Le terrifiant mystère des vagues-tueuses

Longtemps considérées comme un mythe, les vagues-tueuses ne semblaient uniquement exister qu'au travers de témoignages vite discrédités. Aujourd'hui, des informations scientifiques tangibles démontrent parfaitement la menace qu'elles représentent.
Le terrifiant mystère des vagues-tueuses

Les marins se racontent souvent l'histoire de vagues géantes qui engloutissent des navires sans prévenir. Elles s'abattent sur les malheureux bateaux qui se trouvent sur leur passage et les balayent comme de vulgaires fétus de paille. De telles vagues existent bel et bien et si leur origine a longtemps été un mystère, il est aujourd'hui en passe d'être percé.

Au-delà de la légende

Il y a environ une cinquantaine d'années, on doutait encore de l'existence des vagues-tueuses. On les voyait comme des légendes racontées par des marins en manque de sensationnalisme. Pourtant, plusieurs bateaux naviguant sur différents océans du globe en ont été témoins, sinon victimes, au fil des siècles : Christophe Colomb, à la fin 15e siècle, en a vu arriver une alors qu'il était en mouillage entre le Venezuela et Trinidad. En 1942, ce fut le tour du RMS Queen Mary, en 1963, du croiseur Jeanne d'Arc, sans compter les nombreux cargos, paquebots et autres bateaux de croisière qui en font assez souvent les frais.

Il aura fallu attendre 1995 pour que l'existence des vague-tueuses soit officiellement reconnue. Le 1er janvier de cette année-là, l'une d'entre elles vint déferler contre la plateforme pétrolière Draupner Oil dans la mer du Nord. Coup de pot, cette station disposait d'une sonde de mesure qui prit précisément la hauteur de la vague : 25,6 mètres !

Comme la vague est apparue un 1er janvier, on baptisa ce type de vague "la vague du Nouvel An". Ses autres noms sont "vague Daupner", en référence à la plateforme, ou encore "vague scélérate" en référence cette fois-ci à son caractère imprévisible.

Les caractéristiques d'une vague-tueuse

A l'opposé des raz-de-marée (tsunami) ou encore des vagues côtières, les vagues-tueuses apparaissent soudainement sans crier gare. C'est donc sans signe précurseur ni même bruit annonciateur que ces murs d'eau, hauts de 20 à 30 mètres, déferlent telle une punition divine sur tout ce qui se trouve sur leur chemin. Pire, elles apparaissent aussi bien par temps calme que lors d'une tempête, de jour comme de nuit, et ce sur tous les océans du monde.

On considère une vague comme scélérate si elle atteint 2,1 fois la hauteur significative des vagues du secteur (notée Hs, la hauteur significative est la hauteur moyenne des 10 plus hautes vagues sur 30 observées). La plus haute vague-tueuse jamais enregistrée jusqu'ici par des instruments faisait 32,3 mètres.

Premières tentatives d'explication des vagues-tueuses

En 1950, on pensait que les vagues scélérates étaient le produit de deux ou plusieurs vagues. Mais c'était un peu trop évident comme explication, si bien que des expérimentations en bassin ont été menées. On a alors remarqué que les vagues ayant des longueurs d'onde courte se faisaient rattraper par celles aux ondes plus longues et ce faisant, elles formaient bien une seule vague concentrant une grande quantité d'énergie. Le hic est que le phénomène ne dure pas longtemps.

D'autres théories proposèrent ensuite que le gonflement soudain d'une vague pouvait découler de l'opposition de deux courants marins, puis on supposa également qu'une vague-tueuse se formait à mesure qu'une vague instable captait l'énergie des autres vagues à proximité. Mais rien de concret n'a pu être prouvé. Jusqu'à aujourd'hui.

Entre équations non linéaires et convergence à 120°

En 2018 sortit une théorie selon laquelle les vagues-tueuses étaient le résultat de processus non-linéaires, et, autrement dit, échappaient aux équations linéaires comme on a l'habitude d'en voir dans la vie de tous les jours (cette bonne vieille relation proportionnelle de cause à effet). Émise par des chercheurs russes, cette théorie admettait qu'un tout petit changement de valeur dans n'importe quelle variable entraînait une fluctuation démesurée, imprévisible et souvent violente de l'état initial. Voilà qui illustre parfaitement les vagues-tueuses.

En début d'année 2019, un groupe de chercheurs zélés venant de multiples horizons (universités d'Edimbourg, d'Oxford et de Western Australia) percèrent le secret de la formation des vagues-scélérates. Au bout de 25 années de recherche, ils réussirent à créer une mini vague-tueuse dans un bassin en faisant se croiser deux fronts de vagues selon un angle de 120° ! Cette découverte, avec la théorie sur leur non-linéarité, devrait maintenant faire avancer les recherches sur la détection préventive de ces monstres des mers.

Par Andriatiana RakotomangaPublié le 29/03/2019