La crevette qui murmurait aux oreilles des nacres
C'est ce que l'on appelle du mutualisme. Un animal, ici la petite et frêle crevette, profite d'un autre, la grande nacre, pour vivre. De son côté, la grande nacre ne souffre aucunement de sa présence, bien au contraire.
Une relation gagnant-gagnant
Son nom scientifique est Pontonia pinnophylax, "pinnophylax" signifiant "gardien de la pinne", la pinne étant l'autre nom de la grande nacre (Pinna nobilis). Ce bivalve est le deuxième coquillage le plus grand du monde, juste après le bénitier, et peut atteindre un mètre de long. Autrefois abondant, on ne le trouve plus maintenant que dans la mer Méditerranée où il grandit à la verticale entre 3 et 30 mètres de profondeur.
Notre petite crevette, elle, fait à peine 2 à 4 cm et peut s'insinuer sans problème dans la nacre où elle s'installe près dans sa zone branchiale. Là, elle profitera du courant de filtration du coquillage pour s'alimenter des particules organiques qui y circulent. Elle peut également s'y nourrir de petits organismes. C'est pour cette raison que la Pontonia pinnophylax est également appelée "crevette endocommensale", "endo" pour intérieur et "commensal" signifiant "qui mange à la même table".
Quant à la nacre, elle profite d'un nettoyage permanent de ses branchies, mais surtout d'une sentinelle qui donne l'alerte en cas de danger. On ne sait pas encore comment elle s'y prend, mais un changement dans son comportement alerte la nacre qui ferme alors immédiatement ses valves.
Dans la majorité des cas, la crevette de la nacre vit à deux dans son hôte, même s'il est difficile de savoir s'il s'agit d'un mâle et d'une femelle. Du reste, on sait encore peu de choses sur elle à cause de son mode de vie et de son garde du corps qui se referme trop vite pour que les plongeurs puissent l'étudier.
Un aspect peu commun
La crevette de la nacre aurait très bien pu s'appeler "crevette nacre" elle-même que cela n'aurait choqué personne. Elle est semi-transparente, limite cristalline, ce qui la dote d'un curieux camouflage : il faudra cligner plus d'une fois les yeux pour la distinguer dans la nacre au cours d'une plongée. Seules des arabesques blanches courant tout le long de son corps la font se détacher de la chair de son hôte. Sa couleur va du gris à un roux léger sans que cela ne la rende très visible pour autant.
Outre ses curieuses couleurs, la Pontonia pinnophylax ressemble plus à un homard miniature qu'à une crevette. Elle possède une queue allongée sous lesquelles se trouvent ses pattes ambulatoires, deux paires d'antennes et une d'antennules, des yeux pédonculés (au bout d'un pédoncule) et une paire de pinces asymétriques : l'une sera toujours plus grosse que l'autre tout en présentant des lignes blanches plus complexes. Une drôle de créature pour décidément un drôle de mode de vie.