Le crabe yéti, animal de l'extrême

Le crabe yéti est l'une de ces espèces atypiques qui nous font remettre en question ce que l'on croit savoir de la nature. Loin de ressembler aux crabes que l'on a l'habitude de croiser, cet animal est particulier à plus d'un égard.
Le crabe yéti, animal de l'extrême

A l'image du crabe de cocotier, le crabe yéti est un représentant très particulier de la large famille de décapodes que sont les crabes. A franchement parler, il ressemble plus à un crabe de loin que de près et ne se croise que dans les profondeurs des océans.

L'abominable crabe yéti

De son nom scientifique Kiwa, le crabe yéti doit son sobriquet à son apparence : il est tout blanc, densément recouvert de poils, et, de surcroît, vivait bien caché jusqu'à tout récemment.

Mesurant une quinzaine de centimètres de long, les représentants connus du genre Kiwa sont au nombre de 3. Il y a tout d'abord le Kiwa hirsuta, découvert en 2005, le Kiwa puravida, découvert en 2011, et enfin, le Kiwa tyleri, découvert, lui, en 2015.

Si chaque espèce de crabe yéti est localisée dans des zones différentes, elles ont néanmoins un point commun : toutes ne se rencontrent que dans les profondeurs abyssales de nos océans, à 2 000, voire 2 500 mètres de fond.

Un habitat inhospitalier

Dans de tels abîmes, les conditions de vie sont plus que difficiles. Le crabe yéti, que l'absence permanente de lumière a rendu aveugle et tout blanc, doit aussi composer avec la pression monstrueuse des profondeurs et un froid glacial. Heureusement, cet animal extrémophile a réussi à bien s'adapter à son environnement et prospère autour d'oasis dont il a su tirer parti.

Pour le Kiwa hirsuta et le Kiwa tyleri, le secret est de résider à proximité de monts hydrothermaux, ces cheminées naturelles d'où s'échappe la chaleur interne terrestre (plus de 400°C quand même). Mais si le premier se rencontre dans le Pacifique, le second, moins bien loti, vit dans les eaux plus que froides de l'océan Austral. Autant dire que la chaleur des cheminées y est la bienvenue.

Le genre tyleri est le seul à vivre en larges colonies dans lesquelles, fait particulier, les individus n'hésitent pas à grimper les uns sur les autres. En effet, comme la chaleur se dissipe rapidement dans les eaux glaciales qu'ils fréquentent, la zone habitable des crabes est assez réduite. S'ils se rapprochent trop des cheminées, ils passent au court-bouillon. Trop loin, ils gèleraient. Du coup, tout le monde veut être au même endroit et la densité dans les communautés explose : 700 crabes par mètre-carré !

Le Kiwa puravida, enfin, a fait tout le contraire de ses cousins et a choisi de s'installer près des suintements froids. Ce sont des cheminées expulsant en permanence du méthane, du sulfure d'hydrogène et des hydrocarbures, le tout à des températures inférieures à 40°C. Toutefois, qu'ils vivent près d'une source très chaude ou très froide, leur stratégie de survie est la même : ces crabes hors du commun cultivent leur propre nourriture !

Le crabe yéti, un éleveur-né

Dans les ténèbres des fonds océaniques, cachées du Soleil, des bactéries ont trouvé le moyen de produire de l'énergie sans lumière. On les appelle "bactéries chimiotrophes", des êtres vivants qui, au lieu d'utiliser l'énergie lumineuse, tirent parti de composés chimiques pour fabriquer de l'énergie, et donc pour vivre.

Près des suintements froids par exemple, des bactéries méthanotrophes, grandes amatrices de méthane, prolifèrent et font le régal du crabe yéti. Pour s'en nourrir, l'animal a même développé une technique bien à lui en en faisant l'élevage sur… ses poils !

En bougeant constamment ses pinces hérissées de filaments, le crabe attire les bactéries dessus et, semble-t-il, favorise leur développement. De temps à autre, il broute ses poils pour s'en nourrir puis recommence sa petite danse. Le même comportement se retrouve chez les Kiwa qui préfèrent les monts hydrothermaux, même si l'on soupçonne qu'eux élèvent un tout autre type de bactéries chimiotrophes.

A noter que les scientifiques, qui ne manquent pas d'humour, ont donné un surnom au tyleri : ce crabe poilu est appelé crabe "Hoff", en référence à l'acteur David Hasselhoff, star de la série "Alerte à Malibu", et connu pour son torse velu.

Par Andriatiana RakotomangaPublié le 13/04/2020