José Salvador Alvarenga, l'homme qui erra un an en mer

Alors qu'il appareillait pour une simple partie de pêche, José Salvador ne s'attendait pas à finir perdu en mer. Commence alors pour lui un périple en plein océan qui durera plus d'une année.
José Salvador Alvarenga, l'homme qui erra un an en mer

Le 17 novembre 2012, José Salvador Alvarenga, pêcheur salvadorien de 36 ans, se préparait à aller en mer avec son binôme, Ezequiel Còrdoba, alors âgé de 22 ans. Au programme, une sortie de 30 heures pour aller pêcher au large des côtes mexicaines. Un gros imprévu va cependant sérieusement chambouler leurs plans.

Perdus en mer

José Salvador et Ezequiel quittèrent au petit matin le petit village de Costa Azul situé sur la côte de l'État de Chiapas, dans le sud du Mexique. Direction le large pour pêcher du gros poisson, tout cela à bord du Camaroneros de la Costa, une petite embarcation de 7,50 mètres sans grande prétention. Pas de toit ni de lumière à bord, et encore moins d'ancre qui a été oubliée à terre. En plus de leur matériel de pêche par contre, ils pensèrent tout de même à apporter un GPS, une radio et un téléphone portable.

La pêche se révéla bonne avec près de 500 kg de poissons dans la grande glacière du bateau. A la fin de l'expédition toutefois, une tempête les prit de court, ballottant leur frêle esquif sur les eaux et y faisant inlassablement s'engouffrer les vagues, menaçant de le couler. Pour ne rien arranger, leur GPS, qui n'était pas étanche, avait rendu l'âme. Alvarenga était cependant déterminé à rentrer à bon port et, en vétéran de la mer qu'il était, il dirigea le bateau d'une main ferme vers les côtes tout en ordonnant à Còrdoba d'écoper l'eau.

Petit à petit, mille par mille, l'expérience du capitaine prenait le dessus sur la tempête. Les terres furent finalement en vue quand soudain, le moteur se mit à tousser, puis crachota et finit par s'arrêter. Rapidement, le capitaine décrocha la radio et échangea fébrilement avec son employeur qui décida de venir les secourir. Sauf que là encore, la chance n'était pas de leur côté : la radio cessa de fonctionner bien avant que les secours n'arrivent, laissant les deux pêcheurs désemparés, en pleine tourmente.

La survie en plein océan

La tempête dura encore 5 jours, épuisant les deux hommes qui durent férocement lutter pour ne pas chavirer. Le fruit de leur pêche fut passé par-dessus bord pour sauver le bateau, de même que plusieurs autres matériels désormais inutiles. Quand le gros grain cessa, ils étaient déjà bien loin des côtes, sans eau et sans vivres.

Ayant perdu hameçons et appâts, Alvarenga se mit à attraper des poissons à mains nues. Il attrapait même occasionnellement des méduses, des tortues de mer et plus tard, des oiseaux. Les deux naufragés les mangeaient crus et recueillaient le sang des gros animaux pour le boire. Quand la pluie se faisait désirer, ils étanchaient leur soif en buvant leur propre urine, espérant ainsi s'hydrater un minimum (sans savoir qu'en réalité, cela aggravait leur déshydratation).

Les naufragés étaient également devenus habiles à différencier les différents détritus plastiques flottant sur l'océan. Ils récupéraient alors les bouteilles en plastique pour stocker l'eau et les sacs de déchets qui pourraient contenir des vivres. C'est ainsi qu'ils ont pu mettre la main sur du chewing-gum par exemple, ou encore quelques carottes pâteuses, un demi-chou et un quart de brick de lait rance.

La solitude du survivant

Selon les dires d'Alvarenga, Còrdoba commença à aller mal 2 mois environ après le début de leur mésaventure. Leur régime alimentaire l'aurait rendu malade et la dépression aidant, il en serait arrivé à refuser de s'alimenter. Au quatrième mois, Còrdoba rendit l'âme, laissant un compagnon d'infortune sous le choc de la solitude qui l'attendait. Pendant 6 jours, il garda le corps sur le bateau, lui parlant et se répondant à lui-même. Au sixième jour, il se rendit compte de ses errements et inhuma Còrdoba en mer, non sans avoir préalablement récupéré les vêtements qui pouvaient encore lui être utiles.

Désormais seul, le Salvadorien était lui aussi sujet à la dépression. Sa peur de mourir et sa foi l'empêchèrent toutefois de mettre fin à ses jours bien qu'il y songea souvent. Pour tenir le coup, son esprit le berça d'hallucinations si fortes qu'elles s'ancrèrent durablement dans sa réalité et formèrent des souvenirs vivaces. Il y mangeait ainsi régulièrement des mets fabuleux, faisait les plus belles des rencontres amoureuses ou encore arpentait le monde alors même qu'il faisait simplement les cent pas dans son bateau.

La délivrance après 14 mois en mer

Ainsi passaient les jours d'Alvarenga, ponctués par la pêche, les hallucinations et les longues périodes de repos sous sa glacière pour se protéger du soleil. A plusieurs reprises, il vit aussi des bateaux glisser à l'horizon, surtout des porte-conteneurs, mais malgré ses efforts, aucun ne le remarqua.

Ce n'est qu'au 30 janvier 2014, soit 438 jours après son départ, que le naufragé finit par apercevoir un bout de terre. Un courant modéré semblait en effet l'emporter vers un îlot. Après s'être assuré qu'il ne s'agissait pas d'une énième hallucination, il se jeta à l'eau à une dizaine de mètres du rivage et avança jusqu'à ce qu'une énorme vague ne le soulève et le précipite sur la plage. Il ne le savait pas encore, mais il venait d'échouer sur Tile, l'un des 22 îlots composant l'atoll d'Ebon, lui-même étant l'un des nombreux atolls composant le petit État des Îles Marshall. Plus important encore, Tile était habité.

Alvarenga

Alvarenga le miraculé du Pacifique

Nu et mal en point, le pêcheur traversa en rampant les restes de noix de coco et la laisse de mer qui jonchaient la plage et déboucha devant la maison d'Emi Libokmeto. C'est elle qui le repéra en premier et entendit ses appels à l'aide. Elle et son mari lui administrèrent les premiers soins, puis ce dernier alla chercher du secours en bateau.

Admis en soins intensifs, il fallut 11 jours à Alvarenga pour se stabiliser. Son corps s'était considérablement émacié, ses membres inférieurs étaient gonflés et il souffrait d'anémie. Les médecins suspectaient également son foie d'avoir été infecté par des parasites ; en cause, la viande crue qui a composé sa diète tout du long des 11 260 km qu'il a parcouru dans le Pacifique. Outre des difficultés à s'endormir et à rester seul, le pêcheur a également développé une sévère aquaphobie.

L'incroyable histoire d'Alvarenga fit rapidement le tour du monde, lui valant tant l'intérêt des médias et des producteurs, qu'il provoqua le scepticisme de nombreuses personnes se demandant si survivre aussi longtemps en mer était seulement possible. En étudiant la question à l'aide d'un modèle numérique complexe cependant, l'université d'Hawaï valida la crédibilité du récit du naufragé. En avril 2014, José Salvador Alvarenga s'était même soumis à l'exercice du détecteur de mensonges qu'il réussit à 100%. Le miraculé a gagné son surnom de "naufragé du Pacifique".

Par Andriatiana RakotomangaPublié le 22/01/2021