Grande America, la peur d'une catastrophe écologique
C'est par un incendie que tout a commencé. Il s'est déclaré à bord du Grande America aux alentours de 20h, le 10 mars 2019. Il s'est étendu ensuite rapidement, si rapidement que le navire est obligé de se signaler en détresse. Un périple s'engage alors pour secourir les hommes et endiguer la possible catastrophe écologique qui menace les côtes françaises.
Un naufrage tragique
Le Grande America est un bâtiment hybride mi-porte-conteneurs, mi-roulier (transporteur de voitures). Construit en 1997, ce navire de 213 mètres de long et 32 mètres de large appartient à l'italien Grimaldi Group. Il était en route vers Casablanca (au Maroc), depuis Hambourg (en Allemagne) quand un violent incendie l'a pris de court à 140 miles nautiques (environ 260 km) de la pointe de Pernmarch, dans le Finistère.
Alors que le feu faisait rage, les 26 membres d'équipage et un passager ont pu être évacués avec succès dans des conditions météo vraiment rudes. Le bateau, lui, n'a pas eu cette chance : deux jours après le début de l'incendie, il coula à pic.
Problème, le bateau transportait 45 conteneurs remplis d'acide sulfurique et chlorhydrique, 2.100 véhicules, sans compter ses 2.200 tonnes de fioul lourd, 190 tonnes de MGO (marine gas-oil) et 70.000 litres d'huile. La situation était telle que le préfet maritime de l'Atlantique n'a pas hésité à employer les termes "crise majeure".
Des actions rapides et efficaces
Reposant à 4.600 mètres de profondeur, à quelque 333 mètres à l'ouest du littoral de La Rochelle, le Grande America a commencé à fuiter son carburant, lâchant, le 14 mars, deux nappes d'hydrocarbure vers la Charente-Maritime et la Gironde. La première faisait 13 km de long pour 7 km de large ; la seconde, 9 km de long pour également 7 km de large. Une troisième nappe fit son apparition le lendemain (4,5 km sur 500 m) et stagna à proximité du lieu du naufrage.
Heureusement, avec l'actionnement anticipé du plan POLMAR (POLlution MARitime), les contre-mesures étaient prêtes. Quatre bâtiments français antipollution appuyés par des bateaux européens s'occupèrent des nappes de fioul en haute mer et déroulèrent chaluts et barrages flottants autour de la zone de naufrage.
Quant à l'armateur, il a dépêché un navire équipé d'un robot sous-marin pour inspecter l'épave du Grande America. Le robot a alors pu détecter et sceller les diverses petites fuites d'hydrocarbure de l'épave. Au final, la pollution a pu être limitée à un minimum, preuve en est les deux seuls oiseaux atteints par le fioul du navire.
Quant aux conteneurs d'acide, le préfet maritime de l'Atlantique a annoncé que la majorité avait sûrement brûlé lors de l'incendie et que le reste ne représenterait qu'une pollution très localisée. Les produits chimiques devraient d'ailleurs se diluer dans l'immensité océanique sans grandes conséquences sur l'environnement.
Enquêtes, plainte et surveillance
Trois semaines après le naufrage, alors que les mesures d'urgence prennent fin, les actions continuent de se développer autour du Grande America. Des enquêtes ont évidemment été ouvertes, l'une, technique, par le Bureau d'enquêtes des accidents en mer italien, et l'autre, préliminaire, par le procureur de la République de Brest.
Malgré sa coopération et le fait qu'il n'a pas manqué à ses obligations après le drame, Grimaldi Group a fait l'objet d'une plainte déposée par l'ONG Robin des Bois auprès du Tribunal de Grande Instance de Brest pour "pollution et abandon de déchets". Pionnière dans la défense de l'environnement, l'association dénonce un manque d'attention généralisé et fait remarquer la dangereuse augmentation de la fréquence des incendies à bord des porte-conteneurs.
Pendant ce temps, le site du naufrage est surveillé par intermittence par le satellite Cleanseanet de l'Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM), histoire de s'assurer qu'aucune remontée de fioul ne survienne dans le futur.