Ce poisson sans yeux détecte la lumière émanant de ses proies

Dans les méandres abyssaux de nos océans se cachent de drôles d'espèces, qui n'ont rien à voir avec les jolis poissons que nous connaissons. Des espèces comme celles appartenant au genre Ipnops, des poissons sans yeux, mais loin d'être aveugles !
Ce poisson sans yeux détecte la lumière émanant de ses proies

Largement méconnues, avec à peine 5 % de leur territoire qui ont été explorés, les profondeurs de nos océans cachent encore d'innombrables secrets. S'y trouvent des êtres vivants qui ont développé des stratégies étonnantes, rien que pour survivre dans les conditions extrêmes qui y règnent. Prenez les poissons du genre Ipnops par exemple : vivant dans une obscurité éternelle, ils ont décidé de se passer d'yeux pour, à la place, se faire pousser des photodétecteurs.

Trois espèces de poissons

Les espèces appartenant au genre Ipnops appartiennent à la famille des Ipnopidae. Les premiers spécimens ont été découverts en 1878 lors de la toute première campagne océanographique d'envergure du monde. Couvrant 127 500 km en pleine mer, cette campagne s'est notamment intéressée aux créatures évoluant en mer profonde et a ainsi permis d'exhumer plusieurs étrangetés du fond des océans. Parmi elles, l'Ipnops murrayi, la première des trois espèces du genre à être découverte.

Il faudra attendre 21 ans avant qu'une autre espèce du genre Ipnops, l'Ipnops agassizii, soit de nouveau trouvée. La troisième et dernière espèce connue en date, l'Ipnops meadi, a quant à elle été découverte en 1966.

Les caractéristiques du genre Ipnops

Les Ipnops sont des poissons effilés de taille moyenne, environ une quinzaine de centimètres de long. Leur morphologie fuselée fait penser à une lingue avec toutefois des nageoires plus discrètes. Ils se rencontrent dans l'océan Atlantique et dans le bassin indo-pacifique où ils évoluent à une profondeur variant entre 3 000 et 4 000 mètres.

Tous les Ipnops sont des animaux hermaphrodites, c'est-à-dire possédant à la fois des attributs mâles et des attributs femelles. On en sait encore peu sur leur reproduction, mais on les soupçonne de ne pas avoir besoin de partenaires pour se reproduire. Un spécimen peut alors pondre entre 85 et 300 œufs qu'il pourrait ensuite fertiliser lui-même. Cet hermaphrodisme, phénomène somme toute assez fréquent chez les poissons, n'est cependant la caractéristique la plus inhabituelle chez les Ipnops. Ce qui fait la réelle spécificité de ces poissons, c'est plutôt qu'en lieu et place d'yeux, ils ont développé des détecteurs de lumière !

ipnops

Des plaques photosensibles à la place des yeux

L'ennui lorsqu'on habite au plus profond des océans, c'est que la lumière du soleil n'y pénètre pas. À moins d'avoir des yeux fortement spécialisés, il y est ainsi impossible de discerner quoi que ce soit et heureusement pour les Ipnops, la Nature a tout prévu.

Sur la tête des poissons, là où devraient se trouver normalement les yeux, n'existent que deux plaques concaves jaunâtres séparées par une arête. Ce sont des plaques photosensibles, des sortes de détecteurs de lumière. Ainsi équipés, les Ipnops sont incapables de discerner des formes, mais ils peuvent détecter toute source lumière venant percer les ténèbres de leur habitat. Une capacité bien utile dans les abysses qui permet de chasser des proies bioluminescentes.

Un poisson Ipnops nage généralement sur le fond océanique, ses plaques tournées vers le haut, un peu à la manière du Macropinna. Cette stratégie l'empêche d'être une proie facile tout en scannant l'espace au-dessus de lui à la recherche de bioluminescence. Petites crevettes, crustacés et autres mollusques qui composent ses repas se font ainsi rapidement repérer et avaler par ce poisson aveugle qui cache bien son jeu.

Pour la petite histoire, les alevins des espèces du genre Ipnops possèdent bien des yeux, de grands yeux même, qu'ils perdent donc en grandissant. Les scientifiques théorisent en expliquant ce phénomène par le fait que les alevins vivent proches de la surface, avant de migrer vers les profondeurs en devenant adultes. Une théorie à confirmer au cours des prochaines explorations sous-marines.

Par Andriatiana RakotomangaPublié le 27/06/2022