Maginot sur mer : une ligne fortifiée en Méditerranée

Tout le monde connaît – ou croit connaître – la Ligne Maginot. Ce qu'on sait moins, c'est qu'elle existe dans les Alpes, jusqu'à un jet de pierre des plages de la Méditerranée, et même en Corse ! Il s'agit d'un système défensif construit dans les années 1920-1930 pour parer à une attaque brusquée allemande ou italienne. Contrairement aux idées reçues, elle a rempli les objectifs qui lui étaient assignés. Deux de ses ouvrages ont été construits directement en bord de mer, près de Menton.

Qu'est-ce donc que la Ligne Maginot ? Il s'agit d'une ligne fortifiée construite pour l'essentiel dans les années 1930, pour se prémunir d'un désir de revanche de l'Allemagne après sa défaite de 1918. Contrairement à une idée reçue, sa mission n'était pas d'arrêter une attaque allemande, mais avant tout de faire face à une attaque sans déclaration de guerre préalable. Pendant que la fortification encaisse le choc initial, l'armée française peut mettre en œuvre la mobilisation et la concentration de ses troupes de réserve avant d'engager le combat. Il s'agissait également d'assurer avec un effectif minimal la protection des frontières de l'est pendant que le corps de bataille français, en infériorité numérique, était engagé en territoire belge.

La Ligne Maginot dans les Alpes

La Ligne Maginot est présente dans le nord-est face à l'Allemagne. Mais elle l'est également, de façon plus méconnue, dans les Alpes ainsi qu'en Corse. C'est même dans les Alpes-Maritimes que les premiers chantiers ont été lancés : Mussolini est en effet arrivé au pouvoir dès 1922 avec des prétentions territoriales sur la Savoie, le Comté de Nice et la Corse. Dès lors, il fallait également couvrir cette frontière.

Plusieurs dizaines d'ouvrages, d'avant-postes et de constructions diverses se trouvent entre la Suisse et la Méditerranée. Concentrés pour l'essentiel à proximité des vallées praticables par des unités militaires de taille importante, les ouvrages alpins sont de tailles plus modestes que leurs cousins du nord-est.

Dans le Secteur Fortifié des Alpes Maritimes (SFAM), on recense 29 ouvrages et de nombreux avant-postes et autres constructions annexes. Ce secteur comporte plusieurs voies de pénétration depuis l'Italie (Tinée, Vésubie, route littorale...). Cette dernière est protégée essentiellement par les ouvrages de Sainte-Agnès, du Mont-Agel, de Roquebrune-Cornillat et de Cap Martin, ainsi que l'avant-poste de Pont-Saint-Louis. Ces deux derniers devaient être une affectation de choix : ils sont situés à moins de 200 mètres de la côte !

L'ouvrage du Cap Martin

Cet ouvrage de trois blocs a été construit au centre du Cap Martin, à seulement 200 mètres des plages. Avec ses 354 hommes d'équipage, il avait pour mission principale la couverture de la route Vintimille-Menton (ex-nationale 7 et actuelle départementale 6327) de toute invasion italienne. Pour ce faire, son bloc 2 a été équipé d'un canon-obusier de 75 mm et de deux jumelages de mitrailleuses prenant la route en enfilade. Son autre mission était de couvrir par les feux des canons et des mortiers de son bloc 3 son voisin du nord, l'ouvrage de Roquebrune-Cornillat. Ce dernier lui assurait réciproquement la protection de ses canons et de ses mortiers.

L'ouvrage du Cap Martin a plusieurs particularités liées aux contraintes de sa position. Sa mission de couverture de la route en provenance d'Italie a contraint sa localisation en zone urbaine, au milieu des habitations, et non en rase campagne comme c'est le cas habituellement. Cet ouvrage a une autre particularité intéressante : à la demande du gouvernement italien, le bloc 2 a été modifié afin que son canon ne puisse pas tirer en territoire italien, au-delà de l'avant-poste de Pont-Saint-Louis. Les caractéristiques initiales du bloc ont été rétablies après-guerre, lorsque le bloc a été réparé.

L'ouvrage est intervenu en juin 1940 dès les premières pénétrations des troupes italiennes en territoire français. Il a lui-même reçu environ 1500 obus italiens, mais il a pu résister jusqu'à l'Armistice du 25 juin 1940. Il sera par la suite très endommagé à l'explosif lorsque les Allemands seront contraints d'évacuer le secteur en 1944.

L'avant-poste de Pont-Saint-Louis

Un avant-poste est une construction ayant avant tout un objectif retardateur. Son rôle était de freiner une attaque pour que les ouvrages situés en arrière puissent se mettre en ordre de bataille.

Pont-Saint-Louis est un bloc de très petite dimension. Son armement se limitait à un canon anti-char de 37 mm interchangeable avec un jumelage de mitrailleuses, ainsi que de deux fusils-mitrailleurs. Le tout était complété par une barrière anti-char et des explosifs placés dans la chaussée, visant à entraver la progression des véhicules ennemis. Le service était assuré par un équipage de 9 hommes.

Avec l'aide de l'ouvrage du Cap Martin, l'avant-poste a pu repousser tous les assauts des Italiens, qui laisseront de nombreux morts et blessés. Alors même que Menton était occupée par les troupes ennemies, l'ouvrage est resté invaincu, comme l'ensemble de l'Armée des Alpes.

De nos jours, il est toujours possible de voir l'ouvrage du Cap Martin et l'avant-poste de Pont-Saint-Louis. L'ouvrage est ouvert au public depuis 1997 par l'association AMICORF. Pont-Saint-Louis, quant à lui, a été restauré en 1994 par la même association, avec une inauguration conjointe des autorités françaises et italiennes en 1995, mais l'instabilité du terrain où il est installé a rendu son accès dangereux et il n'est donc plus possible de le visiter.

Par Charles LorrainPublié le 19/03/2018