La pêche électrique, une pratique d'un autre âge qui persiste
Considérée à ses débuts comme une technique de pêche innovante et surtout très rentable, la pêche électrique a fini par être vue sous son vrai jour : une méthode brutale qui impacte négativement la faune aquatique sur une large zone.
Le principe de la pêche électrique
La pêche électrique, également appelée "pêche au chalut à impulsion", est une technique de pêche utilisant un chalut doté d'électrodes pour étourdir le poisson. Lorsque le chalut est déployé, ses électrodes vont traîner sur le fond océanique et produire un courant de faible tension électrique, de l'ordre de 10 à 20 volts.
Bien que faible, le champ électrique ainsi créé est suffisant pour choquer les poissons qui sont alors très facilement récupérés par les filets. Sans surprise, cela fait de la pêche électrique une méthode effroyablement efficace et attractive pour attraper du poisson en masse.
Les conséquences de la pêche à impulsion
Pour commencer, l'extrême efficacité de la pêche électrique pose le problème de la surexploitation des ressources halieutiques. C'est tout simple : attraper du poisson aussi facilement vide très rapidement les stocks en mer !
Ensuite, bien que le sujet soit peu documenté, force est de constater que la pêche électrique est cruelle, presque autant que la pêche à la dynamite. Plusieurs pêcheurs parlent ainsi de poissons brûlés, déformés et présentant des ecchymoses. L'Institut public néerlandais de recherche marine (IMARES) a aussi remarqué au travers d'une étude qu'entre 50 et 70% des grands cabillauds capturés par les chaluts électriques avaient la colonne vertébrale brisée !
Enfin, il faut savoir que les impulsions électriques n'affectent pas seulement les poissons, mais toute la faune et la flore marine. Quid alors de leurs effets sur les espèces électro-sensibles (poisson-chats, raies, requins, etc.), sur le plancton ou encore sur le corail ? Un début de réponse est apporté par des expérimentations en eau douce qui ont mis en avant une mortalité élevée chez les poissons juvéniles ainsi qu'un impact négatif sur la fertilité des poissons.
Les Pays-Bas, fervents défenseurs de la pêche électrique
Devant les risques de surexploitation, de nombreux pays ont aujourd'hui interdit la pêche électrique. Du Brésil à la Russie, en passant par les États-Unis et même la Chine, tous ont arrêté cette pratique. En Europe pourtant, cette pêche assassine est encore pratiquée dans le sud de la mer du Nord, malgré son interdiction par l'Union européenne en 1998. Les chalutiers électriques qui y sévissent ne sont pourtant pas des braconniers, même si c'est tout comme : ce sont en fait des navires néerlandais, les Pays-Bas ayant obtenu une dérogation pour "recherche scientifique" en 2007 !
Cette dérogation ne leur permet que d'équiper 5% de leurs chalutiers à perche, ce qui équivaut à 15 licences pour l'année 2017. L'administration néerlandaise ne s'est pourtant pas gênée pour en sortir 69 de plus pour arriver à un total de 84 chalutiers électriques pêchant en mer du Nord cette année-là. Pour ne rien arranger, on les soupçonne aussi de faire passer entre 40 et 60V dans leurs électrodes, ce qui dépasse allégrement la limite des 15V imposés par la Commission européenne.
Devant une infraction aussi flagrante, l'association Bloom n'a pas hésité à porter plainte contre les Pays-Bas pour "dérogations illégales et illégitimes", demandant au passage à ce que les pêcheurs artisanaux lésés soient indemnisés. En février 2019, le parlement européen a également fini par décider l'interdiction définitive de la pêche électrique dans toute l'Union européenne. Plus de dérogations, ni de faux-semblants, tous les navires européens devront purement et simplement abandonner la pratique, et ce même s'ils ne sont pas dans des eaux de l'union. Le seul hic est que l'interdiction ne sera effective qu'au 1er juillet 2021. Entre-temps, les chalutiers électriques des Pays-Bas pourront toujours sévir, même si, heureusement, leur nombre devrait passer de 84 à une dizaine.