L'herbu, la mangrove des pays tempérés

Moins familier du grand public que les plages au sable chaud, l'herbu n'en est pas moins une zone importante de nos littoraux. Il abrite un écosystème pas comme les autres, perdu entre terre et mer, et qui s'est admirablement bien adapté à sa double vie.

Les herbus sont mieux connus sous leur autre appellation, les schorres, un nom dérivé du néerlandais "schor" qualifiant un terrain alluvionneux. En France, ils sont également désignés par d'autres noms issus d'anciens dialectes et on les appelle engames, mollières ou encore sansouïres selon les régions.

Plusieurs noms, donc, pour des zones végétalisées situées très près de la mer. Une particularité de laquelle ils tirent un autre nom, sûrement le plus commun de tous : les prés salés.

Un emplacement atypique

Un herbu est la zone de hautes herbes que l'on retrouve en amont dans l'estran (la zone inondable située entre la marée la plus basse et la marée la plus haute). Il fait partie de la vasière, un habitat rempli de vase que l'on trouve quelquefois en bord de mer.

Il s'agit donc d'un pré, envahit d'herbes diverses, et qui reste la majeure partie du temps à l'air libre. Néanmoins, estran oblige, la zone est tout de même occasionnellement envahie par la mer lors de grandes marées. On trouve donc dans son écosystème une flore spécialisée qui s'est adaptée à la salinité du sol (des espèces dites halophiles) et à l'immersion prolongée sous l'eau : du plantain et du troscart maritime par exemple, mais aussi de la salicorne, de la lavande des mers ou encore de la puccinellie.

Des rôles importants à jouer

Pré salé à Esnandes
Placés à la frontière de la mer et de la terre tout comme les mangroves, les herbus jouent des rôles quasi identiques à ces dernières. Tout d'abord, ils protègent tout le littoral contre l'érosion en fixant le sol et en cassant les courants ainsi que les mouvements d'eau lors des marées. Les herbus filtrent également l'eau et sont le lieu de recyclage de matières organiques qui nourrissent alors tout son écosystème, la flore comme la faune. D'ailleurs, les schorres sont également le lieu de vie de différentes espèces d'insectes, de poissons et d'oiseaux.

Il est ainsi une nurserie pour de nombreux poissons dont les alevins s'y développent avant de rejoindre la pleine mer. C'est le cas par exemple des sardines, des barbus, des soles, ou encore des lieux jaunes. D'autres occupent l'eau des marais ainsi que les chenaux des herbus durant toute leur vie. Enfin, les prés salés accueillent également les nids de plusieurs espèces d'oiseaux comme le pipit farlouse et le bruant des roseaux, tandis que certains n'y passent que les hivers, à l'instar de la sarcelle d'hiver et de l'oie cendrée.

Lieu de vie des Grévins

Moutons au Mont Saint Michel
Les prés salés étant des prés après tout, ils sont aussi utilisés comme lieu de pacage notamment pour des moutons à la réputation bien installée : les Grévins. Ces moutons, paissant d'herbes salées et iodées à longueur de journée, donnent une viande rosée au goût unique recherché par les gourmets. Ils seraient fameux grillés au feu de bois avec seulement du thym et du sel marin.

Il existe actuellement deux appellations d'origine contrôlée pour les moutons de prés salés. Ce sont le "Prés salés de la baie de Somme" et le "Prés salés du Mont-Saint-Michel". D'ailleurs, les herbus de ce dernier lieu sont les plus étendus d'Europe avec 40.000 hectares de superficie. En y paissant, les moutons aident à peu de frais à l'entretien écologique de cette large zone naturelle et sauvage.

Photos : Thierry Llansades / Thomas

Par Andriatiana RakotomangaPublié le 09/11/2017