À Varsovie, la salubrité de l'eau potable est surveillée par des palourdes

Tester la salubrité de l'eau potable peut se faire via des analyses chimiques… ou des méthodes plus naturelles. À Varsovie, capitale polonaise, un dispositif insolite repose sur des palourdes. Voici comment ces bivalves jouent les sentinelles aquatiques.
À Varsovie, la salubrité de l'eau potable est surveillée par des palourdes

Pendant des décennies, la qualité de l'eau potable à Paris – et dans d'autres villes – était surveillée par des truites. Ces poissons, hypersensibles aux pollutions, étaient placés dans des aquariums, remplis d'eau à tester. Leur comportement, observé de près, trahissait la moindre anomalie : un système ingénieux surnommé "truitomètre" ou "ichtyotest". Mais avec le temps, la régie Eaux de Paris a préféré des techniques chimiques, jugées plus précises. À l'opposé, Varsovie a pris le chemin inverse en misant sur une approche bio-indicatrice aussi surprenante qu'efficace : 8 palourdes, dont les réactions alertent sur la salubrité des réseaux d'eau de la ville. C'est un court-métrage de Julia Pelka réalisé en 2020 et intitulé "Fat Kathy" qui a mis un coup de projecteur sur cette pratique.

Pourquoi choisir des bivalves ?

Ces coquillages réagissent vivement à la dégradation de leur milieu : si l'eau se trouble, ils se referment, protégeant leurs fragiles organismes. Une technique bien connue, utilisée par exemple en mytiliculture dans le Bassin d'Arcachon. À Varsovie, la société gestionnaire MPWiK sélectionne ses palourdes – souvent des Unio tumidus, une espèce locale – et les observe en laboratoire pendant deux semaines. Objectif : « calibrer » leur ouverture naturelle, un seuil unique à chaque individu, pour que leurs réactions soient fiables.

Signaler une eau suspecte

Une fois prêtes, les 8 élues reçoivent des capteurs high-tech fixés sur leurs coquilles. Ces petits gadgets mesurent en temps réel leur degré d'ouverture, minute par minute. Le principe est simple, mais redoutable : si 6 des 8 palourdes se ferment au moins quatre minutes et que l'ouverture moyenne des 8 tombe sous les 25 %, c'est le signal d'une eau suspecte. Ce système, mis en place dès 2016, a prouvé sa valeur : une palourde détecte des polluants là où une sonde chimique peut parfois passer à côté, surtout pour des traces infimes.

Une technique qui fait son chemin

Varsovie n'est pas seule dans cette aventure. D'autres villes polonaises, comme Poznàn ou Cracovie, ont suivi l'exemple, séduites par cette biosurveillance à la fois écologique et économique. À l'international, Minneapolis dans le Minnesota, aux États-Unis, a aussi adopté cette sentinelle aquatique pour ses propres réseaux. Baptisé "biomonitoring" ou encore "biosurveillance", il séduit par sa simplicité : pas de produits chimiques, juste la nature au service de la technologie. Et si les bivalves filtraient déjà nos eaux, ils pourraient un jour dépolluer les océans, comme le font déjà certaines moules expérimentales.

Les bio-indicateurs (organismes vivants servant au contrôle) ne sont pas une invention récente. Dès le XIXe siècle, les mineurs descendaient avec des canaris pour détecter le monoxyde de carbone : si l'oiseau s'évanouissait, il était temps de fuir. Aujourd'hui, l'écrevisse signale l'acidification des rivières. Le pika, petit mammifère montagnard proche du lapin, est scruté dans les Alpes ou les Rocheuses : un terrier abandonné peut trahir le réchauffement climatique.

Poissons, crustacés, mammifères, voire bactéries, ces alliés naturels nous renseignent sur l'état de nos écosystèmes. Et demain, qui sait ? Peut-être nous aideront-ils à réparer nos environnements fragilisés.

Par Estelle-Sara SoldnerPublié le 25/03/2025