De l'électricité pour lutter contre l'érosion du littoral

De l'électricité pour lutter contre l'érosion du littoral

On estime que le taux d'érosion côtière moyen dans le monde est de 0,7 cm chaque année (selon la Banque Mondiale), une moyenne dépassée dans certaines zones (12 cm/an sur le littoral atlantique, 14 cm/an sur le littoral méditerranéen) et largement inégale selon les pays (64 cm/an en Tunisie, 400 cm/an sur certaines côtes françaises grignotées par l'érosion). Plages et surtout falaises disparaissent ainsi dans les eaux dans un phénomène qu'on a toutes les peines du monde à endiguer.

Il faut dire que, amplifié par la montée du niveau de la mer, l'érosion est devenue une fatalité que les digues renforcées, les tétrapodes, ou encore les systèmes ingénieux comme l'Ecoplage ne contrent qu'avec une relative efficacité. Des chercheurs de l'université américaine de Northwestern, à Evanston dans l'Illinois, se sont donc intéressés à la question et ont trouvé un moyen plus qu'original, mais efficace, pour contrer l'avancée de la mer sur nos côtes : l'électricité !

Menée par le professeur en ingénierie environnementale et civile Alessandro Rotta Loria, l'équipe de scientifiques a découvert qu'en appliquant un courant électrique dans du sable imbibé d'eau de mer, les minéraux ainsi que les ions présents à l'intérieur du substrat pouvaient se lier et former un solide comparable à du ciment. Ainsi traité, le sable devient compact et naturellement résistant à l'action érosive des vagues.

La bonne nouvelle est que, à l'inverse des structures anti-érosion standard, il n'est pas nécessaire de déployer des moyens considérables pour appliquer cette méthode. Injecter un courant de 2 à 3 volts suffit à initier le processus, provoquant la formation de carbonate de calcium. Si ce nom vous semble familier, c'est parce que c'est ce fameux carbonate qui compose les coquilles de la plupart des mollusques comme les moules ou encore les palourdes. C'est par ailleurs en se penchant sur le secret de fabrication de ces coquilles que les chercheurs en sont venus à leur découverte.

La technique de l'injection électrique cumule les avantages. Tout d'abord, elle fonctionne sur tous les types de sable, qu'il soit ferrugineux, calcaire ou simplement siliceux. Ensuite, ses effets sont immédiats et, à en croire les scientifiques, une application prolongée, se comptant en jours, permet même de transformer le sable en roc sur plusieurs décennies. Et si d'aventure, ce sable solidifié venait à se fissurer, l'application d'une nouvelle décharge électrique permettra de le réparer. Enfin, le phénomène est totalement réversible – il suffit d'inverser le sens du courant pour libérer le sable – tandis que le coût de l'opération est plus que concurrentiel : 3 à 6 dollars par mètre cube de sable traité, soit entre 2,60 et 5,30 euros.

Malgré l'attractivité certaine de la méthode toutefois, plusieurs questions restent en suspens et les travaux de l'équipe sont encore à valider en condition réelle. La question est de savoir, par exemple, si elle représente ou non un danger pour la petite faune qui pullule dans le sable de nos plages. Reste aussi à déterminer, et c'est tout de même important, si marcher sur des plages transformées en rochers géants sera toujours agréable pour nos orteils !

Par Andriatiana Rakotomanga