Mose, l'incroyable projet de digue pour sauver Venise des eaux

En première ligne face à la montée des eaux, la ville de Venise a décidé de se lancer dans un projet titanesque pour empêcher la mer de l'engloutir pour de bon. Il s'agit de MOSE, la digue de la dernière chance.
Mose, l'incroyable projet de digue pour sauver Venise des eaux

Située à peine à 1 mètre au-dessus du niveau de la mer, Venise est une proie facile pour l'Adriatique. La ville, composée de 121 îles séparées par des canaux, a d'ailleurs déjà connu maintes inondations par le passé, et avec le temps, ces dernières deviennent non seulement de plus en plus fréquentes, mais aussi de plus en plus violentes.

Les hautes eaux menacent la ville

Entre l'automne et le début du printemps, c'est la saison des inondations à Venise. C'est en effet la période des fortes marées et dès qu'il y en a une qui dépasse de 90 cm le niveau habituel, la mer s'invite dans la ville pour quelques heures.

Le phénomène s'appelle "acqua alta" (terme vénitien signifiant "hautes eaux"), et à en croire des documents du 6e siècle le décrivant, il est connu depuis longtemps déjà. Aujourd'hui, Venise subit une centaine d'acqua alta par an et les Vénitiens ont fini par développer un certain flegme par rapport à la situation : en dessous de 110 cm, ça reste une routine pour eux.

Parfois pourtant, poussée par les tempêtes ou le sirocco, l'Adriatique se fait plus présente. En 2018 par exemple, l'eau a atteint les 156 cm et est entrée jusque dans la Basilique Saint-Marc. En 1966, c'est un épisode encore plus traumatisant qui a inspiré la création de MOSE, la digue qui devrait sauver Venise de la montée des eaux.

La genèse de MOSE

Le 4 novembre 1966, une acqua alta exceptionnelle fit monter le niveau de l'eau de 194 cm, ce qui plaça plus de 80 % de Venise sous les eaux. L'inondation a alors fait 5.000 sinistrés et 6 millions de dollars de l'époque en dégâts.

Voulant éviter qu'un tel événement ne se reproduise, le gouvernement imagina un vaste programme de sauvegarde dont le point central est un gigantesque et complexe réseau de digues protégeant Venise : le projet MOSE, pour MOdulo Sperimentale Elettromeccanico (Module expérimental électromécanique).

Venise

Une digue escamotable

Approuvé en 2001 et débuté en 2003, MOSE prévoit la pose de 78 digues escamotables dans les trois passes de la lagune de Venise, à savoir celle de Malamocco, de Lido et de Chioggia. Long de 1,6 km, le système prévoit que les digues restent couchées par 12 mètres de fond.

Quand une acqua alta exceptionnelle est prévue, de l'air est injecté dans les corps creux des digues qui se relèvent alors. Une fois totalement levées, elles devraient protéger la ville de la grande marée. L'alerte passée, l'air est chassé, ce qui remet les digues en position couchée et libère la surface.

Un projet inachevé et hautement polémique

Initialement prévue pour 2O12, la livraison de MOSE a été reportée à 2014, puis 2020. La structure est pourtant achevée à 94 % et installée sous l'eau. Elle commence même à rouiller par endroits dans ses parties les plus anciennes, mais toujours pas de mise en service en vue.

Il faut dire que le projet est entaché d'une mauvaise gestion ayant entraîné l'envolée de son coût, mais surtout par des affaires de corruption qui ont éclaboussé, en 2014, une centaine de personnes incluant le maire de l'époque. Ainsi, de 2,3 milliards d'euros, le coût s'est envolé à 4,6 milliards. La moitié de ce nouveau budget a ensuite été dépensé en "simples" travaux préparatoires dont 1 milliard d'euros ont été supposément détournés. Aujourd'hui, les nouvelles prévisions culminent à 6 milliards d'euros...

Enfin, il faut aussi savoir que le projet ne fait pas l'unanimité à Venise et en Italie. Il doit faire face à de nombreux détracteurs qui, notamment, ont soulevé des questions écologiques, pratiques et même technologiques (pourquoi ne pas utiliser des bateaux-portes au lieu d'installer des infrastructures coûteuses ?). Avec tout ça, rien ne dit que la nouvelle deadline prévue pour 2020 sera bel et bien respectée.

Par Andriatiana RakotomangaPublié le 07/10/2019