Les oiseaux marins en voie de disparition

Parmi toutes les espèces d'oiseaux, ce sont les oiseaux marins qui sont les plus menacés. La concurrence avec les pêcheurs sur les proies est le principal facteur, mais pas le seul. Des centres de recherche et des ONG spécialisées se penchent sur le problème et proposent des solutions.
Les oiseaux marins en voie de disparition

La sonnette d'alarme a été tirée dans l'édition du 17 décembre 2018 de la revue scientifique "Current Biology" par l'équipe de chercheurs dirigée par David Grémillet, du Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive de l'Université de Montpellier. Entre 1950 et 2010, la population totale d'oiseaux marins a diminué de 70% ! La cause : la pression toujours plus importante qui s'exerce sur les écosystèmes marins notamment par la pêche, mais pas seulement. Heureusement, il existe des solutions.

Concurrence sur le poisson

Les oiseaux marins sont des prédateurs qui chassent le poisson. Ils entrent ainsi en concurrence alimentaire avec l'homme sur un certain nombre d'espèces de poissons. L'équipe de chercheurs a établi qu'entre les années 70/80 et les années 90/2000, les prises annuelles par les pêcheurs ont globalement doublé.

Pour les espèces également chassées par les oiseaux, elles sont passées de 59 à 65 millions de tonnes de poisson. Dans le même laps de temps, les estimations des prises des oiseaux sont passées de 70 à 57 millions de tonnes, autrement dit une baisse de 19%. La concurrence est observée sur 48% de la surface des océans, notamment en Méditerranée, en Norvège et à proximité de la Californie.

La diminution affecte différemment les diverses espèces d'oiseaux en fonction du type de proies qu'elles chassent et de l'influence de l'alimentation sur l'efficacité de la reproduction. En l'occurrence, les oiseaux marins les plus menacés sont les pétrels plongeurs, les sternes et les frégates.

Les autres menaces sur les oiseaux

Si cette dernière enquête pointe spécifiquement le sujet de la pêche, le déclin des populations d'oiseaux marins avait déjà fait l'objet d'autres publications, notamment dans "Bird Conservation International" en 2012.

Parmi celles-ci, loin devant toutes les autres causes, on trouve la présence d'espèces invasives. Ces espèces ne sont pas forcément d'autres oiseaux : il s'agit avant tout d'animaux occupant les lieux de reproduction et de nidification, comme les souris, les rats ou encore les chèvres.

On note également un certain nombre d'autres problèmes d'origine humaine, comme la chasse, l'extension des zones urbanisées et les pollutions diverses. Mais l'impact de la pêche ne se fait pas seulement en terme de concurrence sur le poisson. On rencontre également le problème des captures accidentelles d'oiseaux, notamment dans le cadre de la pêche à la palangre. Cette technique consiste à mettre à l'eau une ligne comportant de nombreux hameçons (et de nombreux appâts). Les oiseaux sont attirés soit par les appâts lors de la pose, soit par les poissons lors de la relève, et dans tous les cas ils sont piégés par les hameçons.

Un problème d'ampleur mondiale

Les pays les plus concernés par la diminution du nombre d'oiseaux marins sont bien entendu ceux possédant le plus d'îles et d'eaux territoriales, autrement dit les États-Unis, le Royaume-Uni et la France en raison de l'importance des territoires d'outre-mer de ces pays. En ce qui concerne les territoires français, les espèces endémiques menacées sont le pétrel de Barau et le pétrel des Mascareignes à la Réunion, ainsi que l'Albatros d'Amsterdam dans les territoires australs.

Si toutes les familles d'oiseaux marins sont concernées, les albatros sont les plus touchés puisque 17 espèces sur 22 sont menacées d'extinction, ainsi que les pingouins. D'une manière plus générale, les oiseaux pélagiques (c'est à dire qui vont pêcher en haute mer) sont davantage menacés que les espèces côtières. Bien évidemment, ces deux catégories d'oiseaux ne sont pas soumises aux mêmes menaces. Les oiseaux pélagiques sont plus concernés par les conséquences de la pêche industrielle. Les oiseaux côtiers, qui dépendent davantage de la terre pour vivre et chasser, sont plus sensibles aux perturbations de leurs lieux de vie.

Oiseaux marins

Vers des solutions de préservation

L'association Birdlife, dans son étude de 2012, avance plusieurs préconisations afin de préserver les oiseaux marins. Il convient tout d'abord d'éradiquer les espèces invasives. Dans les années 2000, des populations de chiens, chats, cochons et autres lapins ont été supprimées avec succès d'un certain nombre d'îles.

Ensuite, Birdlife préconise de protéger un certain nombre d'espaces côtiers notamment sous forme de signalisation ou, encore mieux, en leur attribuant un statut d'espace protégé. D'un point de vue plus institutionnel, il faudrait mettre en place des législations et des réglementations qui prennent davantage en compte ces aspects, sans même parler de l'éducation.

Enfin, du côté industriel et économique, il est nécessaire de davantage sensibiliser les investisseurs et les industriels de la pêche concernant les méthodes de pêche. La surpêche de certaines espèces est en soi un phénomène connu, avant même que ses conséquences sur les oiseaux marins soient mises en évidence. Les captures effectuées dans des secteurs d'importante présence aviaire devraient être évitées. Il semble que les institutions les plus à même d'agir sur la pêche industrielle sont l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture ainsi que les Organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP) plutôt que les États concernés.

Ces solutions sont alléchantes sur le papier, mais leur mise en œuvre n'est pas toujours aisée et les conséquences sur le statut de conservation des espèces n'est pas toujours perceptible. Birdlife remarque néanmoins que des progrès ont été faits ces dernières années en ce qui concerne la protection des sites et en matière d'éradication des espèces invasives. Mais les industriels de la pêche ont insuffisamment pris conscience de leur action sur l'écosystème marin, et il s'agit, là comme ailleurs, d'un travail de longue haleine qui s'oppose à des intérêts puissants.

Par Charles LorrainPublié le 29/04/2019