Les étonnants forts de Maunsell
L'estuaire de la Tamise est un axe très important du trafic marchand mondial. Durant la Seconde Guerre Mondiale, l'Angleterre est seule en guerre en Europe contre l'Allemagne nazie qui occupe tout l'ouest du continent, sauf l'Espagne et le Portugal dont les régimes fascistes sont restés neutres. Depuis juillet 1940, l'Allemagne mène le Blitz contre l'Angleterre en vue de l'invasion de l'archipel et veut affaiblir son ennemi par tous les moyens.
La Tamise, point faible de l'Angleterre
Le 7 décembre 1941, les États-Unis entrent à leur tour en guerre. Leur soutien à l'effort de guerre anglais devient alors très important grâce à la loi prêt-bail, même s'il a déjà commencé dès 1940 sous différentes formes. Cette aide se matérialise par l'envoi en Angleterre de matériel et de troupes, pour l'Angleterre elle-même dans un premier temps, puis pour préparer le Débarquement de Normandie dès 1942, à l'aide de cargos dits "Liberty Ships".
La plupart des ports britanniques sont mis à contribution, mais c'est celui de Londres, chargé d'approvisionner la capitale, qui est le plus exposé. Les côtes de la France occupée étant à moins de 150 km de la capitale anglaise, l'estuaire de la Tamise est un goulet marin dans lequel s'engouffrent de nombreux navires de ravitaillement. Les Allemands en ont conscience et comptent bien tirer profit de la situation, notamment par de réguliers mouillages de mines marines par avion.
La fortification de l'estuaire
L'Angleterre, devant absolument sécuriser le ravitaillement naval de sa capitale, a confié dès 1941 à l'ingénieur Guy Maunsell la construction de forts dans l'estuaire de la Tamise. Ceux-ci sont édifiés non pas sur des îlots, mais sur des hauts fonds, sous une forme qui n'est pas sans rappeler celle des plateformes pétrolières.
Les plus proches des côtes sont les forts de type « Army Fort ». Ceux-ci sont composés de groupes de sept forts métalliques sur pilotis reliés entre eux : quatre forts disposés en arc de cercle et équipés d'un canon anti-aérien QF 3,7 inch, un fort de commandement, un fort équipé d'un projecteur et, enfin, un fort placé en arrière et équipé de deux canons anti-aériens Bofors 40 mm, le tout permettant la lutte contre les avions et les navires de petites dimensions. Ainsi, trois groupes de sept forts ont été construits : Nore, Shivery Sands et Red Sands.
Plus loin vers le large ont été construits quatre forts de type « Naval Forts » : Sunk Head, Tongue Sands, Rough Sands et Knock John, dont seuls les deux derniers existent encore de nos jours. Ces forts ont la structure d'une plateforme métallique d'environ 500 m² équipée de canons antiaériens, d'un radar et de divers locaux reposant sur deux piliers posés sur le fond marin. La majorité des servants étaient à l'intérieur même des piliers, sous le niveau de la mer.
Les forts Maunsell après la guerre
Le bilan guerrier de ces forts est assez maigre : un bateau coulé, 22 avions et 30 bombes volantes abattus. Après la guerre, certains d'entre eux ont hébergé des radios pirates. De nos jours, seuls deux de ces forts font encore l'objet d'attentions. Red Sands, le mieux conservé des « Army forts », a fait l'objet d'un projet de restauration, et une entreprise d'hôtellerie de luxe s'est montrée intéressée pour y installer un établissement avec bars et restaurants.
Depuis 1967, les 550 m² de la plateforme du Fort Roughs Sands constituent la Principauté de Sealand qui a pour particularités d'être le plus petit pays du monde, le moins peuplé (entre 1 et 5 habitants permanents) et également de n'être reconnu par aucun autre pays.
A l'heure actuelle, s'il n'est pas possible de visiter les forts Maunsell, des excursions en mer permettent de s'en approcher. Trois forts Maunsell ont également été construits dans l'estuaire de la Mersey, au large de Liverpool. Ils n'ont pas connu d'engagement durant la guerre et ont rapidement été démantelés en raison du danger qu'ils représentaient pour le trafic maritime.