Le plan Delta, la protection des Pays-Bas contre l'inondation

Pour faire face à la sévérité de la Nature, l'Homme a toujours fait parler son ingéniosité avec des constructions plus ou moins recherchées. Peu sont toutefois aussi imposantes que le plan Delta, la réponse astucieuse des Pays-Bas face aux assauts de la mer.

Les Pays-Bas, ce plat pays. 45 542 km² de terre dont 96% sont d'une horizontalité effarante et 25% se trouvent en dessous du niveau de la mer, jusqu'à -7 mètres. Le quart de son territoire d'aujourd'hui a également été repris à la mer grâce à d'astucieux systèmes de digues, de canaux et de moulins à vent : les fameux polders. Et ce n'est que de bonne guerre, puisque les Néerlandais ont toujours eu une relation tendue avec celle-ci, au point d'en avoir fait leur grande ennemie.

Une question de survie

Un peu moins des deux tiers des Pays-Bas sont inondables et maîtriser l'eau y est un impératif vital dès l'installation des premiers habitants. Des monticules artificiels nommés "terps" datant de 500 ans av. J.-C. y ont en effet été découverts, preuve que les inondations étaient déjà une affaire sérieuse à cette époque. Au fil du temps, les Néerlandais se sont attelés à se protéger le plus efficacement possible des eaux, au point de modifier considérablement leur environnement. Descartes avait même lancé à ce propos "Dieu a créé le Monde, les Néerlandais ont créé la Hollande".

L'eau est omniprésente dans le pays qui compte plusieurs lacs et rivières, et même des canaux dans ses villes. Il se trouve aussi à l'estuaire de l'Escaut, de l'Ems, du Rhin et de la Meuse, quatre fleuves dont les crues peuvent être impressionnantes. Mais la vraie menace vient du large, de l'impétueuse mer du Nord aux marées et tempêtes impressionnantes.

Le raz de marée de 1953

La nuit du 31 janvier 1953, une importante dépression générée par une énième tempête en mer provoqua un rehaussement important du niveau de l'eau (on parle d'onde de tempête). Le vent, soufflant à 150 km/h perpendiculairement aux côtes néerlandaises, amena les vagues bien au-dessus des digues. Pour ne rien arranger, la marée du matin du 1er février était une marée de vives-eaux, c'est-à-dire une marée d'ampleur exceptionnelle causée par l'alignement de la Lune et du Soleil.

À 3h du matin, ce 1er février là, plusieurs digues se rompirent sous l'assaut des vagues qui inondèrent alors plusieurs régions du pays sous plusieurs mètres d'eau. Le monstrueux raz-de-marée engloutit rapidement 200 000 hectares et le bilan fut très lourd : 1 835 victimes, 70 000 personnes sinistrées, 4 700 bâtiments endommagés, sans parler des milliers de têtes de bétails emportés par les flots.

La grande idée du plan Delta

Plus jamais ça, c'est ce que se sont promis les Néerlandais. Il fallait s'assurer que les digues soient synonymes de sécurité pour ceux se tenant derrière et c'est de là qu'est venue l'idée du plan Delta. Aujourd'hui, il s‘agit du plus grand système de protection contre les eaux du monde.

La commission en charge du projet démarra vingt jours à peine après le drame, une loi fut votée dans la foulée et dès 1958, le premier barrage anti-tempête du plan fut achevé. Entre 1958 et 1972, 7 immenses barrages mobiles vont fermer presque tous les bras de mer du sud-ouest, des mastodontes dont plusieurs font en longueur ce que la tour Eiffel fait en hauteur. Le projet ne fut achevé qu'en 1997 avec une digue mobile dont la construction aura duré 6 ans. En tout, 14 constructions majeures le composent.

Pour autant, le chantier n'est jamais fini. Chaque portion des 17 500 km de digues, de barrages et d'écluses qui composent le plan Delta est régulièrement inspectée pour en assurer la cohésion et l'entretien. Le coût se chiffre en centaines de millions d'euros, mais sans le plan Delta et sa politique de maîtrise de l'eau, les deux tiers des Pays-Bas ne seraient aujourd'hui que marécages.

Hélas, cela ne signifie pas pour autant que la victoire est acquise. Le plan Delta, élevé au rang de merveille du monde moderne par la Société américaine de génie civil, doit maintenant faire face à un nouveau défi que la commission n'avait pas prévu à ses débuts : le réchauffement climatique et la montée des eaux qu'il provoque.

Par Andriatiana RakotomangaPublié le 28/05/2018