Le cerf-volant hydrolien : un pari sous la mer

En observant les mouvements des cerfs-volants, Magnus Landberg, ingénieur chez SAAB Aerosystems, a été convaincu d'en créer une version marine. Avec sa société Minesto, il développe ainsi un nouveau type d'hydrolienne permettant de tirer de l'énergie des mouvements de la mer.
Le cerf-volant hydrolien : un pari sous la mer Photo : Minesto

Parmi les mille-et-une manières de soutirer l'énergie contenue dans les océans, on cite souvent l'énergie hydrolienne, visant à tirer parti des courants marins, qu'ils soient d'origine océanique ou de marée. La solution qui a le vent en poupe actuellement sont les hydroliennes, dérivées des éoliennes terrestres et qui produisent de l'énergie à partir des mouvements de l'eau qui les traverse et entraîne leurs turbines.

Mais cette technologie, qui en est encore à sa phase d'étude, est chère et sa maintenance en pleine mer est difficile. Une autre idée étonnante fait alors son chemin : le cerf-volant hydrolien.

Un cerf-volant immergé

Il serait plus indiqué de l'appeler « cerf-nageant » puisqu'il se meut au gré, non pas des vents, mais des courants marins. L'idée de base est très simple. Il s'agit d'arrimer au fond marin une aile de cerf-volant, portant une turbine hydrolienne, qui virevolte suivant une trajectoire de 8 au gré du courant. Lors des mouvements de l'ensemble, l'eau traverse la turbine, produisant ainsi de l'énergie électrique de la même manière qu'une hydrolienne. L'électricité transite jusqu'au réseau électrique via le point d'arrimage au fond de la mer.

Avantages et inconvénients

Par rapport aux hydroliennes "classiques", les cerfs-volants présentent beaucoup d'avantages. Financier tout d'abord, car le coût d'installation et d'exploitation est moindre. Technique ensuite, car il est plus aisé de remonter à la surface pour des opérations de maintenance l'aile et sa turbine que des hydroliennes, beaucoup plus lourdes (7 tonnes contre plusieurs dizaines à plusieurs centaines de tonnes). Pratique ensuite, car les courants, créés par l'action de la Lune et du Soleil, sont connus à l'avance avec une grande précision, contrairement à d'autres énergies intermittentes comme l'éolien.

Enfin, les cerfs-volants possèdent un avantage certain en terme de potentiel d'installation. Tout comme les cerfs-volants aériens volent plus vite que le vent, les cerfs-volants sous-marins virevoltent plus vite que le courant, ce qui permet de tirer profit même des faibles courants marins. Le cerf-volant pourrait exploiter des courants de seulement 1,5 m/s, multipliant d'autant le nombre d'emplacements potentiels. En Europe, on estime le potentiel de production des courants d'au moins 1,5 m/s à 12.000 MW répartis sur une centaine de sites, autrement dit l'équivalent d'une dizaine de réacteurs nucléaires.

Tout n'est pas rose dans le monde des cerfs-volants sous-marins, et ils partagent un certain nombre des inconvénients des hydroliennes. Notamment, les organismes encroûtants qui s'accumulent sur les structures, ainsi que la corrosion marine et le mode de transmission de l'énergie vers le continent contraignent pour le moment le positionnement à proximité des côtes. Néanmoins, ces obstacles sont relativisés par la facilité de la maintenance qui pourrait se faire, à terme, par des installations de type plate-forme pétrolière.

Les expérimentations sur le cerf-volant marin

La société qui est le plus avancée dans l'exploitation de ce type d'hydrolienne est Minesto, une filiale du constructeur automobile et aéronautique suédois SAAB, avec son Deep Green. Minesto a procédé à des essais à l'échelle ¼ en 2014 à Strangford, en Irlande du Nord. La société prépare désormais la mise en place en 2017 d'une turbine de 500 kW arrimée par 100 m de fond au large de l'île galloise d'Anglesey, dans le cadre du projet « Deep Green Holyhead ». L'aile mesure 12 m d'envergure pour un poids de 7 tonnes. A terme, le site d'1 km² comptera 20 cerf-volants pour une puissance totale de 10 MW.

Si la start-up Minesto est le maître d'œuvre du concept du cerf-volant marin, elle est associée à plusieurs autres entreprises bénéficiant d'un savoir-faire dans les domaines entrant dans le cadre de ce projet. Les turbines sont de fabrication Schottel, une société allemande spécialisée dans les propulseurs marins et qui a déjà une certaine expérience dans les turbines immergées. Les ailes, quant à elles, sont de fabrication Green Marine, un chantier naval britannique spécialisé dans les matériaux composites, les coques de voiliers et des éléments de navire comme les gouvernails.

Cette technologie est donc prometteuse, mais il est encore trop tôt pour dire si elle sera amenée à supplanter les hydroliennes ou si elle fonctionnera en parallèle. En tout cas, cette idée a le mérite d'être originale et de montrer que tout n'a pas encore été développé en termes d'énergies renouvelables.

Par Charles LorrainPublié le 18/03/2017