Le Canot Impérial de Napoléon trône à Brest

Une opération exceptionnelle a eu lieu en octobre 2018 : le retour du Canot Impérial de Napoléon du Musée de la Marine de Paris vers la ville de Brest, 75 ans après son premier départ. A partir de la fin 2019, il sera à nouveau visible par le public aux Ateliers des Capucins.
Le Canot Impérial de Napoléon trône à Brest

Le Canot Impérial est une pièce exceptionnelle puisque c'est la dernière embarcation d'apparat en parfait état de conservation encore existante en France. Afin de valoriser le site brestois du Musée de la Marine, il trouvera une nouvelle place dans le Finistère. Cependant, ce déménagement est une opération complexe pour une pièce aussi fragile et aussi encombrante.

Un canot doublement impérial

C'est en 1810 que commença l'histoire de cette embarcation. Napoléon, qui avait fait construire un nouvel arsenal à Anvers, souhaitait en faire l'inspection. Il avait ordonné la réalisation de ce sobre bateau, dont la construction faite sur place avait duré seulement 21 jours. C'est en présence de son épouse, l'Impératrice Marie-Louise, du Maréchal Berthier et de plusieurs officiers, que Napoléon visita l'arsenal d'Anvers et passa la flotte en revue.

Lorsque l'Empereur est parti en exil à l'île d'Elbe en 1814, son canot ne l'a pas suivi. Le roi Louis XVIII a fait rapatrier à Brest un certain nombre de bateaux français qui étaient restés à Anvers et a, semble-t-il, procédé à quelques modifications. Napoléon lui-même n'a pas eu l'occasion d'embarquer durant la très courte et très terrestre période des Cent-Jours.

Ce n'est que 44 ans plus tard, en 1858, que l'esquif est l'objet de l'intérêt du neveu de Napoléon 1er, l'empereur Napoléon III. Brest étant l'objet de nombreuses attentions de sa part, il avait jugé que le canot était l'embarcation idoine pour visiter la rade de Brest en compagnie de son épouse, l'Impératrice Eugénie. L'embarcation a été modifiée à cette occasion par l'ajout d'une figure de proue à l'effigie de Neptune, le dieu des Eaux Vives et des Océans, d'une couronne portée par des angelots sur le toit, d'un tableau de poupe et de nombreux autres ornements. Après Napoléon III, les présidents Félix Faure et Emile Loubet ont eu l'honneur d'y embarquer à l'occasion de visites à Brest.

L'installation du canot à Paris

Le canot impérial est resté basé à Brest à partir de 1814. En 1930, il changea d'emplacement pour la rive gauche de la Penfeld, puis il fut remonté à la hauteur de l'île Factice en 1943. Durant l'occupation, la France occupée ne craignait plus les tirs allemands, mais bien les bombardements alliés. Et la ville portuaire de Brest était aux premières loges. En 1943, après des bombardements, la décision était prise de protéger de la destruction ce trésor national en le transférant au Musée de la Marine, situé au Palais de Chaillot à Paris, qui était justement en cours de création.

Mais transporter une telle pièce de Brest à Paris ne fut pas une mince affaire. Le choix se porta sur le train. La couronne fut démontée pour diminuer la hauteur, mais l'encombrement en largeur a contraint le plan de circulation : il ne fallait croiser aucun autre train. Par conséquent, le trafic ferroviaire fut interrompu pour laisser place à l'impérial canot. Le trajet dura ainsi pas moins de huit jours.

A son arrivée à la gare de Vaugirard, le canot fut transféré par camion au Palais de Chaillot. Il fallut se rendre à l'évidence : tous les détails avaient été prévus pour le transport depuis Brest au nouveau Musée de la Marine, mais il n'y avait pas de possibilité de l'introduire à l'intérieur du bâtiment par les ouvertures existantes ! Un abri provisoire a donc dû être construit à l'extérieur pour l'occasion. Ce n'est qu'en 1945 que la décision fut prise d'ouvrir une brèche dans le bâtiment pour introduire le canot. Il a ensuite été déplacé de quelques mètres en à l'intérieur du musée en 2001.

Canot Napoleon

De la sobriété à la splendeur

Le canot de l'Empereur est de dimensions relativement modestes : 19 mètres de long pour 3,70 mètres de large. Il est composé de deux parties : un rouf (autrement dit une sorte de cabine) sur le tiers arrière, pour l'Empereur et ses invités, et des bancs pour les rameurs sur les deux tiers restants.

L'ornementation d'origine est très sobre, certainement en raison du délai de réalisation très court. C'est le Roi Louis XVIII, à l'occasion du déplacement du canot d'Anvers à Brest, qui a fait ajouter certains ornements, notamment un aigle sur la proue. Mais la réelle mutation décorative date de l'Empereur Napoléon III.

C'est en préparation de sa venue à Brest, en 1858, que ses décorations les plus remarquables ont été ajoutées pour qu'on comprenne immédiatement qui occupe l'embarcation. Sur le rouf, une couronne soutenue par des angelots. Sur la poupe, une Minerve et une Renommée encadrant les armes impériales dont l'aigle se détache sur le fond bleu. Sur la proue, l'Empereur des mers Neptune armé de son trident. Sur les flancs enfin, des médaillons arborant le monogramme impérial.

Le séjour (75 ans tout de même) du canot impérial à Paris lui a été salvateur : la ville de Brest a été totalement rasée en 1944.

Le retour du canot à Brest

Le Musée de la Marine est en rénovation depuis 2017 pour une période de quatre ans, et la politique actuelle est de répartir les collections entre les différents sites. L'occasion était trop belle : le musée a décidé de faire retourner le Canot Impérial dans son port d'attache : Brest. Le 14 octobre 2018, cette pièce a donc quitté Paris pour la Bretagne.

Reste la question du transport. Les dimensions des voies ferrées n'ayant pas changé depuis 1943, les contraintes sont identiques. Mais en 2018, il n'est pas envisageable de bloquer complètement la circulation ferroviaire. L'option fluviale a également été envisagée, mais elle a été écartée en raison de la fragilité du canot. Reste donc la route, sous la forme d'un convoi exceptionnel.

L'opération n'est pas anodine. Le bateau a été fixé à une structure métallique fermée d'une vingtaine de tonnes, avant d'être posé sur un camion. Une fois arrivé à destination, après trois jours de route, la structure a été ouverte pour s'assurer que le canot n'avait pas été endommagé pendant le transport, puis refermée. Avant d'entamer une quelconque opération, il faut attendre que le canot s'adapte aux conditions climatiques et hygrométriques de son nouveau domicile. Il sera ensuite restauré et présenté au public au Pôle d'excellence maritime qui doit ouvrir ses portes en 2019.

Par Charles LorrainMis à jour le 30/11/2018