La base sous-marine de Bordeaux, de blockhaus à musée
La base sous-marine de Bordeaux est aujourd'hui un carrefour culturel comptant de nombreuses œuvres contemporaines. Il n'en a pas toujours été ainsi évidemment, l'imposante structure ayant été construite à l'origine pour servir les desseins des occupants lors de la Seconde Guerre mondiale, notamment en soutenant leurs efforts dans l'Atlantique.
Une base italienne puis allemande
Située dans le quartier de Bacalan, non loin de celui des Bassins à Flot, la base sous-marine de Bordeaux a abrité dans un premier temps des sous-marins italiens, puis allemands, les fameux U-boot. La base a ainsi été construite en premier lieu par la Marine royale italienne (la Regia Marina) dans une France occupée, avant que les Allemands ne prennent le relais en septembre 1941. Ils agrandissent alors la construction tout en la renforçant au cours de longs travaux. Presque deux ans plus tard, la base sous-marine finit par faire 235 mètres de long environ, pour 160 mètres de large et 20 mètres de haut, sa structure étant essentiellement faite de béton et de béton armé.
Dans ses 41 000 m², la base pouvait accueillir 15 sous-marins ainsi que des mouilleurs de mines et des navires ravitailleurs. Entre 1942 et 1944, environ 40 sous-marins y firent escale, des bâtiments allemands, mais également italiens et même japonais. Cela faisait de la base un important nœud de ravitaillement par où transitaient des armes en destination du front, mais aussi des vivres, du carburant ainsi que diverses matières premières stratégiques.
Une forteresse imprenable
Les Allemands voulaient que leur bunker soit indestructible et ils réussirent. Le principal danger venant du ciel, ils ont veillé à fortifier comme il se doit leur base avec des murs extérieurs épais de 2 à 3 mètre et un toit épais, lui, de 5 à 6 mètres. Résultat, malgré plusieurs bombardements américains pour détruire cet important avant-poste allemand sur l'Atlantique, la base sous-marine résista brillamment à chaque tentative.
En décembre 1942, un commando britannique de 10 hommes, baptisé les Cockleshell Heroes, passa l'estuaire de la Gironde avec l'intention de remonter la Garonne jusqu'au port de Bordeaux pour saborder le maximum de navires de la base sous-marine. Seuls 4 hommes parvinrent à se replier après avoir piégé plusieurs bateaux, et parmi eux, seuls 2 encore survécurent. L'opération, dénommée "Frankton", coula 3 navires allemands et en endommagea gravement 3 autres. Tous furent cependant remis à flot et réparés par les Allemands avant la fin de la guerre. Plusieurs plaques et monuments seront érigés bien plus tard en l'honneur des Cockleshell Heroes, et aujourd'hui encore, le souvenir de l'opération Frankton est célébré chaque année à Bordeaux ainsi que dans les communes voisines.
Un lieu de culture
La base sous-marine de Bordeaux fut finalement désaffectée en août 1944 après l'évacuation de Bordeaux par les Allemands. Elle resta ensuite longtemps à l'abandon, accueillant sporadiquement diverses activités commerciales dans des parties de son immense espace.
Après plusieurs travaux de rénovation et de mise aux normes, la base sous-marine finit par accueillir un musée d'arts qui a ouvert en 2018. Depuis, environ 13 000 m² ont ainsi été divisés entre un espace pour les expositions d'arts contemporains (au rythme de 3 par an) et les Bassins de Lumières, un véritable centre d'art numérique comme on aime à les appeler. Les œuvres sont présentées dans un gigantesque espace où les murs et l'eau servent de supports pour présenter les œuvres des artistes majeurs de l'Histoire de l'art.
L'exposition s'étale ainsi sur 4 des 11 bassins de la base, soit une zone de 110 mètres de long, 22 mètres de large et 12 mètres de hauteur multipliée par 4. Là, 90 vidéoprojecteurs et 80 enceintes immergent littéralement le public dans des tableaux vivants et des créations sonores, une expérience unique et vertigineuse à découvrir absolument.
Photo expo : Gianfranco Iannuzzi