Voici 52 Hertz, la baleine la plus seule au monde

Alors que ses congénères sont des animaux sociables, se déplaçant en groupe, il existe une baleine qui sillonne les immenses eaux du Pacifique nord en solitaire. Entendue pour la première fois il y a trois décennies maintenant, elle a été baptisée du nom de ce qui la rend unique : 52 Hz.
Voici 52 Hertz, la baleine la plus seule au monde

Capté pour la première fois en 1989 par le SOSUS (SOund SUrveillance System) - un réseau d'hydrophones de la marine américaine dans le Pacifique nord - le chant d'une baleine bleue continue aujourd'hui d'intriguer les scientifiques. En effet, la fréquence de ce chant est trop haute, largement plus haute en tout cas que celles de toutes les espèces de baleines connues : 51,75 Hz, là où les autres chantent de 15 à 39 Hz. Considéré comme unique en son genre, l'animal a été prénommé "52 Hertz" et depuis fascine biologistes comme simples gens tant son mystère reste entier et son histoire, touchante.

La baleine la plus seule au monde

Depuis sa découverte, plusieurs institutions se sont particulièrement intéressées à 52 Hz. Celle qui a passé le plus de temps à l'étudier est l'institut de recherche océanique WHOI (Woods Hole Oceanographic Institution) : de 1992 à 2004, une de leurs équipes s'est entièrement consacrée à l'étude de la baleine bleue pour tenter d'en percer le mystère. Ce sont d'ailleurs les scientifiques du WHOI qui ont baptisé la baleine "52 Hz".

Les données collectées lors de ces 12 années à la suivre, issues principalement de relevés acoustiques faits grâce aux hydrophones, ont montré que 52 Hz chantait régulièrement entre août et février, puis encore plus régulièrement en décembre, au plus fort de la saison des amours. Pourtant, à aucun moment un chant n'est venu en réponse aux siens et, à en croire les observations des scientifiques, la baleine est toujours restée solitaire.

Cette équipe du WHOI a également remarqué que 52 Hz empruntait des routes migratoires très différentes des autres baleines. Chaque année, elles n'avaient en commun que leurs trajectoires erratiques et aucune ne se ressemblait d'une année sur l'autre. Sa route longeait parfois les côtes californiennes, d'autres fois elle la menait au sud du Mexique et d'autres fois encore, l'amenait jusqu'aux îles Aléoutiennes (Alaska). Ce faisant, l'animal, que l'on suppose être une baleine bleue au vu de ses habitudes migratoires, ne croisait jamais ses semblables dont les trajets migratoires sont non seulement précis, mais aussi constants. Aussi, bien qu'elle continuât toujours de chanter, elle ne peut ni intégrer un banc, ni recevoir une quelconque compagnie lors de ses périples à travers l'océan.

Un mystère pour les scientifiques

Les baleines communiquent par leur chant et, comme chez les humains, il leur est nécessaire d'en acquérir les codes de langage avant de pouvoir converser. Les biologistes sont ainsi quasi certains que la solitude de 52 Hertz s'explique par son chant trop aigu pour être compréhensibles par ses congénères, sans compter le fait que, puisque l'animal doit être isolé depuis son jeune âge, il doit être dénué de tout idiome compréhensible pour ces derniers. Reste toutefois à déterminer ce qui pourrait expliquer ce phénomène, ce qui est loin d'être évident.

L'hypothèse vers laquelle les scientifiques sont les plus enclins à pencher est celle d'une malformation physique qui aurait, d'une manière ou d'une autre altéré la capacité de 52 Hz à chanter dans les bonnes fréquences. Rien n'est pourtant moins sûr, et chacun y va de sa propre conjecture comme celle qui suppose que 52 Hz est en fait le dernier représentant d'une sous-espèce de baleines aujourd'hui éteinte, ou encore qu'elle n'est rien d'autre qu'un cétacé hybride, issu du croisement d'une baleine bleue avec une autre espèce.

Baleine

52 Hz, un phénomène de société

A mesure que l'existence de 52 Hertz se faisait savoir, l'histoire de la baleine la plus seule du monde mouvait les cœurs. Son sort a inspiré plusieurs livres et morceaux de musique, et il est même possible d'acheter des mix de ses chants sur Internet.

En continuant de chanter, année après année, malgré la solitude et ce, avec la continuité d'un métronome, 52 Hz est aussi souvent utilisée comme source d'inspiration dans la sensibilisation des personnes dépressives. On la retrouve même sur les réseaux sociaux par le biais de petites communautés de passionnés et, de temps en temps, elle fait une apparition inattendue sur le devant de la scène comme quand Taylor Swift fait soudainement référence à elle au détour d'une interview pour le magazine Rolling Stone.

Plusieurs courts et longs métrages ont également été réalisés en hommage à la baleine. Citons par exemple "The Loneliest", un documentaire parodique racontant l'histoire de 2 femmes partant à la recherche de la baleine, ou encore le film taïwanais "52HZ, I love you" dans lequel il n'est pas directement question de l'animal, mais plutôt du parallèle entre sa solitude et celui ressenti quand on est à la recherche de l'amour.

En 2013, le réalisateur Joshua Zeman et le producteur Adrian Grenier (connu pour avoir joué dans le film "Le Diable s'habille en Prada") ont lancé une collecte de fonds sur Kickstarter pour financer le tournage d'un documentaire initialement baptisé "52: The search of the Loneliest Whale" puis renommé en "Finding 52". Zeman et Grenier se proposaient d'aller en expédition dans le Pacifique pour trouver 52Hz et la filmer, car il faut savoir que jusqu'ici, personne ne sait encore à quoi ressemble cette fameuse baleine. Le projet suscita l'engouement de très nombreuses personnes dont l'acteur Leonardo Di Caprio qui y participa à hauteur de 50.000 dollars (approximativement 42.400 euros). Ainsi, sur un objectif de 300.000 dollars, le projet réussit à en recueillir 405.937 (soit 344.000 euros).

L'expédition pour trouver 52 Hz a eu lieu en 2015, mais malheureusement, le documentaire, supposé sortir durant l'année 2018, est non seulement en retard, mais n'a toujours pas de date de sortie. Pour autant, il est toujours très attendu par les fans de 52 Hz qui ont tous été touchés par son histoire.

Par Andriatiana RakotomangaPublié le 09/09/2020