La Prora, l'embarrassante station balnéaire nazie

Hitler avait-il un goût prononcé pour la plage ? Toujours est-il qu'il a fait construire sur les côtes d'une île allemande, un gigantesque lieu de villégiature pour les fiers travailleurs du Reich. Un monument de démesure dont la grandiloquence n'a d'égale que la déchéance.

Bien avant la Seconde Guerre Mondiale, Adolf Hitler avait prévu des vacances homologuées « nazi » pour tous les travailleurs allemands. Il créa la KDF en 1933 (Kraft durch Freude, traduisez la Force par la Joie), une organisation chargée des loisirs de la force ouvrière. La KDF organisait des croisières, des randonnées, des séjours au ski et, bien sûr, des vacances à la plage. Elle est surtout à l'origine de la Prora, la cité balnéaire des nazis.

Prora, la démesure

Dessinée par Clemens Klotz, la Prora a été érigée sur l'île allemande de Rügen. C'est une succession de larges et imposants bâtiments aussi rustres que des prisons. A terme, le complexe devait compter 5 stations balnéaires mais une seule a été achevée.
La cité balnéaire du 3ème Reich fait tout de même 4,5 km de long et est composé de 8 blocs (seuls 5 sont aujourd'hui encore debout), chaque bloc faisant 500 mètres de long pour des murs épais de 8 mètres.

Bien que n'ayant jamais servi, la Prora devait pouvoir accueillir 20 000 vacanciers en même temps, ce qui n'est pas une mince affaire. Les chambres font 5 mètres sur 2,5 et ont toutes une vue sur la mer Baltique.

Les plans prévoyaient également plusieurs piscines, une salle de théâtre, une salle de 25 000 places, une salle de cinéma et un large quai pour les bateaux.

Du rêve au chaos

La Seconde Guerre Mondiale mit fin aux rêves mégalomaniaques du régime hitlérien. Commencés en 1936, les travaux prirent subitement fin. La main d'œuvre et les usines furent orientés vers l'effort de guerre.

Durant les combats, la Prora abrita brièvement la population d'Hambourg qui fuyait les bombardements. Les ailes des blocs furent transformées en hôpital militaire, puis la Prora devint un centre d'entraînement pour les parachutistes.

Peu après la fin de la guerre en 1945, Prora fut occupée par l'armée de l'Allemagne de l'Est, qui l'utilisa comme caserne après l'avoir reprise aux russes. Elle a néanmoins été abandonnée dans les années 90.

Quelle reconversion pour la Prora ?

Impossible à raser, difficile à restaurer, le sort de la Prora divise. Un peu en désespoir de cause, les allemands la classèrent comme patrimoine national en 1993. Oui, un legs du Troisième Reich se trouve aujourd'hui au même rang que le stade olympique de Berlin !

Avec un coût de réhabilitation estimé à des centaines de millions d'euros, l'État allemand décida de vendre les blocs encore debout. Trois d'entre eux devraient devenir des hôtels de vacances, tandis qu'un autre accueille depuis 2011 une auberge de jeunesse. Elle propose 400 lits et son aménagement a nécessité un investissement de 27 millions d'euros sur 2 ans. Hélas, même autant d'argent ne peut effacer l'austérité maladive de l'architecture socialiste.

Il reste un dernier bloc à l'État qui se demande bien quoi en faire. La mairie prévoit une école de tourisme ou une université de la mer. Dan un cas comme dans l'autre, l'avenir fixera bientôt le sort de la station balnéaire des nazis.

Par Andriatiana RakotomangaPublié le 20/05/2014