L'océan Arctique, réceptacle à déchets

Vous pensez que la plupart des déchets marins sont rejetés sur nos plages ? C'est une erreur : ils auraient même tendance à s'accumuler dans une zone pourtant réputée si pure : le Pôle Nord.

Les déchets flottants sont une plaie environnementale, notamment pour les animaux qui les ingèrent ou qui y restent coincés. Les mouvements des masses d'eau des océans les transportent partout sur le globe, jusque dans les endroits où l'on s'attendrait le moins à en trouver.

Une mission scientifique au Pôle Nord

Les scientifiques viennent de découvrir que ces déchets s'accumulent même en zone arctique alors même que la densité de population y est extrêmement faible. La goélette française Tara, emportant à son bord une équipe de scientifiques, a effectué de mai à décembre 2013 la mission « Tara Oceans Polar Circle ». Cette expédition scientifique autour du Pôle Nord, empruntant notamment le passage du nord-est et le passage du nord-ouest qui sont de plus en plus navigables à mesure que le réchauffement climatique fait fondre la banquise, avait pour objectif de faire un état des lieux climatique et biologique de l'écosystème arctique.

Les résultats de la campagne de mesures commencent à être publiés. Une équipe de l'université de Cadix, sous la direction d'Andrés Cózar, a publié le résultat de ses études le 19 avril 2017 dans la revue scientifique Science Advances. Le résultat est sans appel : si les eaux de l'Océan Arctique sont dans l'ensemble dépourvues de déchets flottants, une concentration assez importante est observée à l'extrême nord et à l'extrême est de la Mer de Barents, et notamment le long de l'archipel de la Nouvelle Zemble.

Le phénomène qui transporte les déchets

Le principal suspect est la branche polaire de la circulation thermohaline, qui ferait voyager les déchets depuis l'Atlantique Nord jusqu'au cul-de-sac que constitue la Mer de Barents. Qu'est-ce donc que cette fameuse circulation thermohaline ? Les océans ne sont pas homogènes. On y observe des variations, notamment de température (« thermo ») et de salinité (« halin »), qui entraînent une différence de densité de l'eau et donc des déplacements d'eau qui se conjuguent à ceux provoqués par le vent et les marées. Alors que les courants marins sont superficiels et principalement générés par les vents, la circulation thermohaline est un courant observé dans les profondeurs.

Il existe des mouvements verticaux entre ces deux types de courants et c'est ce qui se passe précisément dans la mer de Barents. Les déchets flottants sont charriés par les courants de surface depuis la zone tropicale. Arrivées dans la zone polaire, les eaux de surface refroidissent et plongent dans les profondeurs en laissant les déchets flotter à la surface.

Cette hypothèse avait été formulée depuis un certain temps déjà. Elle est désormais confirmée. Fort heureusement, les concentrations observées sont toujours extrêmement faibles en comparaison de celles qu'on observe dans les zones à forte densité de population.

Par Charles LorrainPublié le 11/05/2017