En Ecosse, ces moutons ne se nourrissent que d'algues

L'île de North Ronaldsay est connue pour son phare, mais aussi pour ses moutons. Ceux-ci vivent en liberté en se nourrissant exclusivement d'algues. Descendant de moutons domestiques ordinaires, ceux-ci ont évolué au cours des dernières décennies.
En Ecosse, ces moutons ne se nourrissent que d'alguesPhoto : Fionn McArthur

Les moutons sont des ruminants, comme les chèvres et les vaches. Les aliments sont avalés dans un des quatre estomacs avant d'être mâchés (la rumination) et de poursuivre leur circuit dans l'appareil digestif. L'alimentation du mouton, c'est avant tout l'herbe et les petites broussailles, mais il apprécie également les fruits et les légumes. Les moutons ordinaires en tout cas. Mais ceux qu'on trouve à North Ronaldsay, une petite île de 7 km² de l'archipel des Orcades, au nord de l'Écosse, ne sont pas ordinaires. Ils se nourrissent presque exclusivement de varech, ces algues très abondantes ayant longtemps été utilisées pour la fabrication de soude.

Un régime alimentaire particulier

Comment est-il possible que cette race ait adopté un régime alimentaire si particulier ? Comme souvent, la raison est à chercher dans l'histoire des lieux. Si l'on ne sait pas exactement depuis quand ces moutons peuplent l'île, il est probable qu'ils l'habitent depuis le néolithique. Et peut-être même depuis la fin de la dernière glaciation, il y a environ 11 000 ans, lorsque des montagnes se sont transformées en îles suite à la montée des eaux.

Le mouton des Orcades a longtemps vécu sans problème avec les humains. Jusqu'à ce que, au cours du XIXe siècle, la fabrication de soude à partir d'algues décline et que l'île se transforme pour laisser place à l'agriculture. Pour éviter que les moutons se régalent avec les récoltes, un mur a été construit en 1831 tout autour de l'île afin de les confiner le long du littoral. Avec ses 20 km, c'est un des plus longs murs de pierre sèche du monde. Les moutons ont donc dû se rabattre sur la seule nourriture en quantité abondante toute l'année sur le littoral : les algues.

L'évolution des espèces à l'œuvre

Les moutons mangent d'ordinaire de l'herbe et exceptionnellement seulement, des algues qui sont mal assimilées par leur système digestif. Dans le lieu de vie actuel du mouton des Orcades, l'herbe est présente en faible quantité, et une partie de l'année seulement. Contrairement aux algues qui sont abondantes en permanence. Si bien que ce mouton a changé non seulement de régime alimentaire, mais également de préférence gustative : même lorsqu'il y a de l'herbe à brouter, il préfère se repaître d'algues. Ces moutons n'ont pas seulement modifié leur système digestif. Ils ont également adapté leur rythme de vie qui est désormais calé sur le rythme des marées : on mange à marée basse, on dort à marée haute.

Il s'agit là ni plus ni moins qu'un exemple concret d'évolution des espèces. Le mouton de North Ronaldsay peut se nourrir exclusivement d'algues car il peut en extraire les nutriments qui ne sont pas présents dans les végétaux terrestres. Il n'y a guère qu'en été, en période d'agnelage, que ces moutons sont autorisés à pénétrer plus à l'intérieur des terres. Mais là encore, on observe que nombre d'entre eux ne veulent pas goûter à la douce saveur de l'herbe verte au lieu de leurs habituelles algues.

mouton Ecosse

Sauvages et domestiques à la fois

Ces moutons, autrefois domestiques, sont redevenus sauvages. Non seulement ils survivent sans l'intervention des humains, mais ils les fuient. Ils sont de plus petite taille et ont d'indéniables talents de crapahutage qu'ont perdus leurs congénères domestiques. Pour les approcher facilement, une seule solution : voir les moutons des Orcades qui vivent dans les élevages hors de l'île.

Néanmoins, et malgré sa vie sauvage, le troupeau ne laisse pas les habitants de North Ronaldsay indifférents. Les moutons sont régulièrement marqués et tondus. Et tués aussi, car leur chair iodée leur donne une saveur bien particulière, qui leur vaut régulièrement les honneurs de la Reine.

Avec une population estimée à 3700 individus dont 500 femelles, le mouton des Orcades fait partie des espèces en danger. C'est une espèce endémique qui n'existe pratiquement pas hors de sa terre d'origine.

Photo: James Stringer

Par Charles LorrainPublié le 13/10/2020