Des lignes maritimes s'ouvrent dans le grand nord

Le réchauffement climatique ouvre à la navigation des voies autrefois recouvertes de banquise en permanence. L'accès risqué et aléatoire ainsi que les questions géopolitiques n'offrent cependant pas de perspectives à court terme pour le transport de marchandises massif et régulier par le grand nord.

Le réchauffement climatique n'est plus seulement une menace, c'est une réalité. Il met en péril l'équilibre écologique de la planète, provoquant de plus en plus de catastrophes naturelles, et la montée des eaux met en péril les populations situées en bord de mer. Certains états insulaires ont même prévu l'éventualité de la disparition totale de leur territoire dans les années à venir, comme les Maldives dont le point culminant se trouve à 2,30 m d'altitude.

Mais d'autres effets sont attendus et vus par certains comme bénéfiques, comme la fonte des glaces aux pôles. Si l'exploitation du continent antarctique n'est pas (encore) à l'ordre du jour, il n'en est pas de même du côté du Pôle Nord.

Un rétrécissement des distances

La banquise qui recouvre les mers arctiques la plus grande partie de l'année se réduit en dimension et en durée. Les appétits s'ouvrent dans cette perspective, car c'est autour du Pôle Nord que se trouvent les régions les plus riches du monde, à savoir l'Europe, le Canada, les États-Unis et la Russie. De nouvelles routes maritimes sont donc en train de s'ouvrir : le passage du nord-ouest pour le Canada et les États-Unis, et le passage du nord-est pour la Russie.

Les distances sont ainsi raccourcies, et dans bon nombre de cas il ne sera plus impératif de franchir le canal de Panamá ou le canal de Suez. Les principaux intéressés sont les États-Unis et la Russie. Ils vont en effet pouvoir relier leurs ports de l'est et de l'ouest sans franchir le canal de Panamá pour les premiers, et le canal de Suez pour la seconde. Par exemple, Londres-Yokohama, c'est 21.000 km par Suez, 23.000 par Panamá, mais seulement 16.000 par la route arctique.

Mais ne prendre en considération que les temps de parcours, c'est voir le problème par le petit bout de la lorgnette. Le recul de la banquise s'accompagne, pour les mêmes raisons, d'une diminution du permafrost. L'exploitation de nouvelles ressources naturelles et leur exportation par voie maritime sont envisageables, notamment au Groenland et en Sibérie.

Le point de vue écologiste

Les associations écologistes ne voient pas le trafic maritime polaire d'un bon œil. Il s'agit, selon eux, d'un cercle vicieux. Le réchauffement climatique a pour cause la production massive de biens qui sont ensuite transportés d'un bout à l'autre de la planète par avion ou par porte-conteneurs qui consomment des énergies fossiles. L'augmentation du commerce mondial qui résulterait du raccourcissement des distances aurait donc pour conséquence une aggravation du réchauffement climatique. Sans parler des dégazages sauvages qui ne manqueront pas d'arriver dans ces zones peu surveillées et pratiquement vierges.

Croisière grand nord

Des routes à l'exploitation encore difficile

Cependant, si la possibilité de ces routes est ouverte, les armateurs ne sont pas encore prêts à les assaillir. En effet, même sans banquise, naviguer dans un tel environnement, avec des icebergs, de l'eau parfois gelée en surface, et totalement dépourvu de service (ports, centre de secours...) n'est pas à la portée de n'importe quel navire et de n'importe quel équipage. Le coût de formation, ainsi que l'installation d'équipements spécifiques à bord des navires ne sont pas de nature à rendre l'opération systématiquement rentable. En hiver, la banquise se reforme avant de fondre à nouveau le printemps venu à des dates impossibles à prévoir. Les grandes sociétés maritimes établissent leur calendrier de navigation longtemps à l'avance et ne peuvent pas composer avec une telle incertitude.

A l'heure actuelle, seules les sociétés ayant déjà des activités dans le grand nord sont intéressées par ces nouvelles routes, notamment pour le ravitaillement des populations locales.

Reste l'aspect géopolitique. Ces routes sont fluctuantes et passent dans les eaux territoriales des pays limitrophes. Une lutte pour leur contrôle, une militarisation de la zone et de nouvelles tensions sont à prévoir, comme on l'a vu autour du canal de Suez en 1956 et comme c'est toujours le cas au Panamá dont le canal est contrôlé par les États-Unis.

Le canal de Panamá se prépare déjà à affronter un nouveau concurrent, le canal du Nicaragua, dont l'ouverture est annoncée pour 2020. À moyen terme, il va devoir également composer avec les routes nordiques.

Photo : davidkn1

Par Charles LorrainPublié le 14/09/2016